Pauvre Archimède, son principe…
Quelqu’un admire ce qu’il vient de faire, vérifie qu’il ne laisse aucune trace, entaille le bras de la jeune femme et s’en va.
Maxime Vial confie à un technicien sa clé USB pour la présentation qu’il fait au centre de congrès.
Dans un immeuble d’apparence anodine appartenant à Med Data Consulting, MDC, Serge le responsable de la cybersécurité, reçoit trois messages d’alerte. On manipule le fichier Alligator. Il en informe immédiatement Vincent Deluise, le P.-D.G., qui lui demande de prendre les mesures nécessaires.
Alain Dormeuil, récemment nommé commandant, prend la responsabilité d’une équipe, sous la direction de Marie-Ange Jeopardi, MAJ, le chef de la section de police judiciaire. Celle-ci, connaissant le dossier d’Alain, s’empresse de poser les limites pour éviter sa propension à agir en lisière de la légalité. Avec Maurice, son ami et adjoint, ils rejoignent Karine Guérin, la procédurière du groupe pour se rendre sur la Marne où un pêcheur a découvert une femme morte.
Maxime Vial se réveille dans une chambre d’hôtel. Clara, l’accorte hôtesse du centre de congrès, n’est plus avec lui. Elle est partie avec son attaché-case, son ordinateur et une clé USB. Clara qui vit avec Jean-Pierre le technicien qui a reçu Maxime, se prostitue occasionnellement pour payer sa drogue.
L’équipe d’Alain commence l’enquête et Karine reconnaît, dans la mise en scène du tueur, Ophélie, un personnage de Shakespeare tué par Hamlet. Un policier se souvient d’une autre morte retrouvé dans un lac, il a deux ans.
Maxime, face à la catastrophique perte de la clé, décide de disparaître…
Que contient ce fichier Alligator qui se promène dans la nature et qui commence à faire des dégâts — car Vincent Deluise actionne un nettoyeur pour éliminer tous ceux qui sont susceptibles d’avoir vu ce fichier ?
Dans son précédent livre, Il ne faut pas faire le mal à demi (Éditions de l’aube –2017), le romancier basait une partie de son récit sur des pratiques médicales douteuses. Dans son nouveau roman, il appuie son intrigue sur de nouvelles pratiques, toujours aussi douteuses pouvant être liées aux études cliniques pour l’industrie pharmaceutique. Il multiple égaleemnt les sujets et les intrigues avec la cybersécurité et ce qu’elle induit tant pour les pirates que pour ceux qui doivent traquer leurs intrusions.
Il est amusant de noter que ce sont d’anciens et efficaces hackers qui le font parce qu’ils se sont fait piégés et entrent dans un marchandage qui met dans la balance leur liberté. L’auteur fait visiter le milieu des agences qui masquent une prostitution demi-mondaine.
Fintoni impose à son ancien baroudeur de rentrer dans le rang et lui confie la responsabilité d’une équipe. Il conçoit celle-ci avec beaucoup de soin et favorise, avec les différentes compétences des uns et des autres, l“empathie pour ce groupe, empathie plus forte pour l’énigmatique procédurière. Il décrit avec talent les conflits, les guerres pour le pouvoir qui peuvent se mener dans les entreprises, les taupes infiltrées au profit de concurrents, les actions d’espionnages, voire plus…
On retrouve une situation similaire dans la police où les rapports de force se jouent dans la hiérarchie. Le romancier décrit bien le travail des hackers, les liens ambigus qu’ils peuvent entretenir avec l’informatique, leur environnement social.
Si l’intrigue est passionnante et tient en haleine jusqu’à une conclusion forte, l’autre intérêt du roman réside dans les personnages qui animent cette histoire. Lionel Fintoni propose des personnages de chair et d’os, des êtres humains avec tout ce que cela peut engendrer connaissant la complexité des individus et leur capacité à émettre une telle quantité d’émotions et de sentiments. Il les présente avec leurs forces, leurs faiblesses, bien plus nombreuses que les premières. Il brosse de magnifiques portraits que ce soit celui du P.-D.G. qui va devoir prendre des décisions difficiles, celui des requins qui l’entourent ou celui du receleur avec son incroyable verbiage…
Le sens du dialogue de l’auteur lui permet de faire passer nombre d’idées tout en n’omettant pas de nombreuses touches d’humour quand il fait dire, par exemple, à l’un de ses protagonistes : “Je suis végétarien par animal interposé. Je mange du bœuf, le bœuf est herbivore, donc je suis herbivore au second degré, voilà tout.”
Si le titre peut paraître énigmatique, il s’éclaire de belle manière quand on referme, à regret, ce livre tant il est captivant. Peut-on espérer, compte-tenu de la belle équipe de policiers conçue par le romancier, que celle-ci sera encore à l’honneur dans de futurs romans ?
serge perraud
Lionel Fintoni, Tout corps plongé…, L’aube, coll. “Noire”, août 2018, 360 p. – 21,90 €.