Les oeuvres sur papier présentées dans cet exposition ont été réalisées par Sarah Grilo dans les années 70–90 à Madrid. Elles représentent un exemple parfait d’une des figures majeures de l’art latino-américain de la seconde moitié du XXe siècle. Sarah Grilo a travaillé à Buenos Aires, Paris, New York et Madrid. Son œuvre a fait l’objet de nombreuses expositions aux Amériques comme en Europe.
Se dégageant de son “clan” premier — à savoir les peintres abstraits « Artistas Modernos de la Argentina » avec lequel elle débuta -, elle abandonne l’abstraction géométrique pour donner existence à des compositions sensibles, enjouées qui témoignent de la vie urbaine moderne. A la peinture et ses formes se mêlent mots, lettres, chiffres dans un carnaval formel.
Cette esthétique offre une “correspondance” baudelairienne et visuelle aux bruits et brouhahas de la ville, en particulier de New-York qui subjugua l’artiste discrète et intimidée lorsqu’elle arriva à Manhattan à la fin des années 50 qui n’avait pas encore son aspect aseptisé d’aujourd’hui. Si bien que, sur un plan pictural, l’artiste donne vie aux mégalopoles comme son compatriote Robero Arlt le fit dans le roman. Existe chez Grilo un art hybride au pari ambitieux en un mixage d’éléments hétéroclites, nobles et triviaux, grossiers et délicats, complexes et “ailés”.
La polymorphie et l’hybridation — qui ne résolvent en rien la question du motif — transforment la peinture toujours sauvage et en mouvement. L’art représente moins une ligne de démarcation qu’une bordure interlope où s’agglutinent toutes sortes d’existences et de présences. L’artiste explore cette zone interstitielle de manière lumineuse pour ajouter un mystère au mystère par des lumières où se distingue un monde hirsute.
jean-paul gavard-perret
Sarah Grilo, Signos, Galerie Lelong & Co, Paris, du 13 octobre au 17 novembre 2018.