Une version fraîche et pétillante de L’éveil
Un groupe de jeunes gens discute vivement d’un fait divers survenu en Italie : le suicide d’un étudiant soumis à une pression trop forte par ses études et sa famille. Réunis à la veille de la remise de leur TPE sur L’éveil du printemps de Wedekind, les adolescents, traversés par les retentissements de cette actualité sur le sujet de leur devoir, travaillent de façon spontanée, désordonnée, en s’apostrophant et en s’invectivant. Ce travail collectif est à rendre sous peu et la question est de savoir comment en venir à bout. C’est au moment où leurs propos s’enveniment que le spectacle commence.
L’arrivée attendue d’un témoin important, censé instruit du caractère d’un des personnages qui leur échappe, occasionne un changement de ton : pour comprendre l’affaire, on va procéder à une reconstruction qui va consister à jouer la pièce. Les répliques sont rapides, les comédiens vifs, justes : ils campent avec brio leur personnage. L’histoire de Moritz, élève peu doué et besogneux, de Jeannot, turbulent et candide, de Martha, victime maline, d’Ilse, libre et déjantée, de Wendla, curieuse et ingénue, de Melchior – rôle endossé par le nouveau venu – intelligent et autonome, se déroule vivement, comme à travers des saynètes dont les solutions de continuité sont assumées.
Marion Conejero fait en effet le choix de présenter une version écourtée de la pièce de Wedekind, coupant de longs passages comme la rééducation de Melchior. Le propos ne consiste plus à présenter un état de la société à travers la transmission de ses valeurs, mais se concentre sur l’intention première de l’auteur : donner à voir les interactions dans un groupe d’individualités qui se cherchent, comme en improvisation. Le caractère enflammé – à un moment, entre autres, très habilement porté par la vigueur de la charge gourmande et amoureuse de la langue québécoise de Gaston Miron (La marche à l’amour) – sied bien à l’emportement d’une jeunesse flamboyante, bien que flouée.
Le spectacle est léger, enjoué, bien servi par un accompagnement musical prégnant, discret, mêlant Fauve, Pergolèse, interventions orchestrales de l’un des acteurs. Sur un plateau vide, comme un chantier, les accessoires rudimentaires servent les procédés les plus simples, comme le percutant redoublement d’une scène sous deux formes divergentes.
Certes, la représentation est peut-être parfois moins sûre dans ses moments les plus dramatiques, en raison même de ses options pour l’efflorescence et pour la suggestion. Mais le pari de miser sur la spontanéité, la contemporanéité, l’ellipse et l’hétérogénéité est incontestablement bien mené et réussi : on assiste ravi à une version fraîche et pétillante de L’éveil.
christophe giolito & manon pouliot
L’éveil du printemps
de Frank Wedekind
Adaptation et mise en scène Marion Conejero
Avec Laure Duedal, Gaëlle Battut, Lucile Chevalier, Paul de Monfort, Thomas Silberstein, Bastien Spiteri, Mateo Lavina-Zerkalâ.
Traduction François Regnault
Musique Mateo Lavina-Zerkalâ
Création lumière Vincent Mongourdin
Production Cie Les Chiens Andalous
Au Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple,
75011 Paris • 01 48 06 72 34
reservations@theatredebelleville.com
du 3 au 31 octobre 2018, du mercredi au samedi à 21h15.
Coproduction La Maison Maria Casarès, l’OARA — Office artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine
Avec le soutien de La Maison des Arts, La Ferme Saint-Michel, La DRAC Nouvelle-Aquitaine, Le Conseil Départementale de La Charente, ToGaether Production.
Remerciements Collectif Fauve (musique “Blizzard”)