En 1856, Charlotte de Belgique a seize ans. Fille du roi Léopold Ier, elle a l’âge de se marier. Deux prétendants sont sur les rangs, l’héritier du Portugal et l’Archiduc Maximilien d’Autriche. Ce dernier fréquente la jeune fille pour sauver les apparences. Il se fait que ce sera Pedro, son rival l’heureux élu. Or, Charlotte choisit les Habsbourg, charmée par l’humour de Maximilien et les points communs qu’ils se sont découverts. Une longue négociation finit par aboutir quant aux montants de la dot et la contre-dot. Mais, si la famille royale belge se félicite de cette alliance, il n’en n’est pas de même du côté austro-hongrois.
Pourtant, lors du mariage, le bonheur semble de mise. Celui-ci se conforte quand Maximilien est nommé, par son frère, gouverneur de Lombardie-Vénétie. Si l’accueil est chaleureux, la région jolie, la politique rattrape le couple avec Napoléon III et Victor-Emmanuel. C’est la bataille de Solferino le 24 juin 1859. L’empereur d’Autriche fait porter l’échec à son frère et l’assigne à résidence. Charlotte ne voit presque plus son époux et leurs rapports se distendent pour de nombreuses raisons. C’est en 1863 qu’une délégation d’émigrés mexicains vient proposer à Maximilien la couronne de leur pays. Et, si la situation de Charlotte reste difficile, ce n’est que le début d’une descente aux enfers…
En racontant la vie de Charlotte, Fabien Nury trouve l’héroïne idéale pour un récit où se mêlent le glamour et la tragédie. Marquée par la mort de sa mère alors qu’elle avait dix ans, elle semble retrouver le bonheur dans la complicité qu’elle entretient avec Maximilien. Le mariage semble la première marche vers un destin envié par l’Europe entière. Dans ce premier tome, c’est plutôt le côté glamour qui l’emporte avec des situations qui donnent à rêver même si quelques petits points noirs commencent à émerger. C’est la découverte d’un homme séduisant et la vie dans un beau pays.
La princesse doit assurer une descendance, c’est son rôle premier. Or, le géniteur n’est pas spécialement empressé. Le scénariste donne quelques scènes à la fois cocasses et terribles comme la nuit de noces ou l’ami de l’Archiduc qui, pour rendre service… Il glisse un jeu de mots lorsque Charlotte, face à une affirmation de l’impératrice Elisabeth, acquiesce en faisant : « Si ! Si ! »
Peu à peu, l’image se ternit. La jeune femme qui paraissait si fragile se révèle déterminée, montre un caractère affirmé. Elle prend en mains la situation face aux défaillances de son conjoint. Le scénariste dévoile alors les dessous de l’expédition du Mexique en 1861, les raisons et les tractations qui amènent le couple à ne pouvoir faire autrement qu’accepter de partir. Fabien Nury, dont on connaît la longue suite d’albums de haute qualité dans l’écriture exhume de l’Histoire deux personnages, leur donne une stature, les rend vivants, attachants ou agaçants, les met sur le devant d’une scène dont ils seront les premières victimes.
Beaucoup d’informations passent par une forme épistolaire. Il se moque allègrement du “secret de la confession”, ce système d’espionnage absolument fantastique imaginé par les pères de l’Église catholique.
Mathieu Bonhomme au graphisme fait merveille. Ce créateur complet donne, ici, sa dimension de dessinateur avec une mise en page inventive, multipliant dans un style moderne les liens avec ce qui se faisait à l’époque en matière de représentation picturale. Il s’inspire des décors tels qu’ils sont présentés dans les tableaux et en offre une vision rénovée. Dans ce premier opus, il offre avec Isabelle Merlet à la couleur, un travail graphique d’une grande beauté, mais dont le résultat étonne peu connaissant son talent.
Ce premier tome offre une belle histoire aux nombreux rebondissements, au scénario solide illustré par de superbes pages.
serge perraud
Fabien Nury (scénario), Matthieu Bonhomme (dessin) & Isabelle Merlet (couleur), Charlotte impératrice — t.1 : La Princesse et l’Archiduc, Dargaud, août 2018, 72 p. — 16,95 €.