Louis Michel de Vaulchier poursuit sa quête de la peinture en mots et des mots en peinture sans néanmoins avoir recours à la description ou à la figuration. Cela tient sans doute d’une gageure. L’artiste et écrivain y parvient dans ce livre où chaque page est composée dans une sorte d’architecture et une « matelamatique » dont il a le secret. Le tout en une quête de transformation entre le « sujet » et l’ »objet » sans savoir qui est réellement quoi et qui et qui fait quoi. La structure du livre est moins une équivalence qu’une dépliure sous forme de délivrance de ce que les mots ne savaient pas encore et que la peinture ignorait. Le monde visuel sans être symétrique du monde textuel est réuni à lui dans ce livre qui devient la pensée et la pratique physique et architecturale.
Le corpus phrastique est transformé en peau « se lisant et s’enfilant ». Et y revenir, c’est donc y glisser encore plus profondément jusqu’à faire passer les fesses sans pour autant que le livre se transforme en pornographie. A un type de fonctionnement en miroir entre le texte et l’image, fait place une altérité qui devient un moyen d’avancer dans les processus de la création et de la réflexion. Dans ce but, le livre propose divers ateliers de travaux, des marches à suivre, de badigeons ou de chutes en intérieur comme à l’extérieur (place de la République par exemple).
Existent donc tout un actionnisme et une table de montages des expérimentations. L’artiste semble avoir reçu d’un « fou à lier » son délire qu’il transforme en ne faisant abstraction d’aucune sensation perceptive (son et toucher compris). Le tout jusqu’à se retrouver nu en un hall. Le lecteur devenu quasiment voyeur peut imaginer le créateur fomenteur et faux menteur. L’écriture devient instable mais néanmoins « tient » page après page.
Nulle question de lâcher l’affaire mais bien plutôt de la démultiplier geste après geste jusqu’à ce que le cerveau et le corps « partagés » se ressemblent tout en se jouant l’un de l’autre.
jean-paul gavard-perret
Louis-Michel de Vaulchier, Le Hall, Atelier de l’Agneau, St Quentin de Caplong, 2018, 148 p. — 18,00 €.