François Bory est le spécialiste de l’extime. Il s’intéresse plus aux autres qu’à lui-même. Cela est peut-être une question d’âge. Quoique : un de ses confrères en âge « octogénique » – Ben – est l’exemple parfait du tout à l’égo. Néanmoins l’un comme l’autre cultive une distance. Et après tout l’ego n’est pas forcément le narcissisme.
Directeur de collection et de revues, il a ouvert bien des portes sur l’art et littérature d’ici et d’ailleurs. Par exemple sur « le principal poète japonais d’avant-garde », Kitazono Katsue. Il pratiqua plus qu’un autre ce que Jean-Claude Montel nomma « Le Change » et il rappelle que « Le plus intime en nous ce sont les autres ».
Ce livre reprend des textes écrits pendant cinquante ans. Les critiques mélangent les piliers de la littérature, des méconnus qui le sont restés mais aussi des fabriquants d’images : Nadar (surtout) mais aussi », Rops, Forain, Caran d’Ache. Jamais pontifiant, l’auteur parle de tous avec humour et tendresse. Louis XIV et Dieu ne sont pas absents mais ne siègent pas plus haut que Maurice Roche et Gherasim Luca et même que — avec quelques gratte-culs– Alain Robbe-Grillet et Pascal Quignard et le tout dans l’amour des titres pour chacun de ses articles.
L’auteur sait rentrer dans les détails quand il le faut afin de différencier plusieurs types de plaintes et ne plus être fait comme un rat par les animaux (humains ou non) qui nous entourent. Il rappelle au passage que, bête parmi les bêtes, le « mammifère humain » trouve des raisons « pour soupirer en dehors des nécessités physiologiques ».
Certes, le passage par l’animal « commun » n’est pas inutile. Pour preuve castors, chamelles et lapins soupirent pendant l’accouplement. Ce qui n’est pas forcément le cas chez les humains sauf en cas d’ennui ou d’ivresse profonde.
jean-paul gavard-perret
François Bory, Tels qu’en eux-mêmes, Editions Fréchet, Le Pradel, Saint André de Najac, 2018, 317 p. — 25,00 €.