Mathieu Riboulet, Nous campons sur les rives

Dans la cre­vasse des mots et des lieux

Mathieu Ribou­let n’est jamais aussi bon que lorsqu’il s’engage en des textes courts. Comme Pas­cal Qui­gnard, les petits trai­tés lui vont mieux que les romans ou les écrits auto­bio­gra­phiques. Les six textes brefs des rêve­ries pic­tu­rales de Lisière du corps le prou­vaient il y a trois ans. Et ce Nous cam­pons sur les rives pousse un peu plus loin la ques­tion du lieu qui lui-même ouvre une réponse inat­ten­due à l’injonction « va voir dehors si j’y suis. »
A cette plai­san­te­rie faite pour clouer au pilori le gamins un peu trop naïf l’auteur offre une réponse qui devient un « pro­cess » de la langue et per­met au gamin de trou­ver une solu­tion impré­vue : si l’enfant répon­dait qu’ « il nous a trou­vés et que nous sommes aussi ailleurs, alors où serions nous ? ».

L’auteur plonge ainsi dans la cre­vasse des mots et des lieux. Le suis-je ici ? se ren­verse sur le qui suis-je ? Si bien qu’entre la carte et le ter­ri­toire, la rumeur et la vérité, la fic­tion et le réel l’auteur nous prouve que notre besoin de nous ins­tal­ler quelque part induit bien des failles. Ce qui ne nous empêche pas de tenir pour lieu fixe ce qui n’a de stable qu’une sorte de men­ta­li­sa­tion ras­su­rante.
Pour autant, Ribou­let ne cultive pas le déses­poir mais il montre com­bien tout abcès de fixa­tion peut res­sem­bler à une mala­die men­tale. Néan­moins, ce qui demeure avant tout en ce jeu spatio-temporel plus ou moins cau­sal tient au fait que cette mise en abyme ravit avant tout l’esprit. Du moins ce qu’il en reste.

jean-paul gavard-perret

Mathieu Ribou­let, Nous cam­pons sur les rives, Ver­dier, Lagrasse, 2018, 40 p. — 30,00 €.

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Filed under Inclassables, Poésie

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