Largement autodidacte mais plus encore blasphémateur, Jacques Cauda reste un des rares artistes et écrivains irrécupérables. Il peut légitimement se revendiquer d’ « Arto le Momo » celui qui rappelait combien « la structure d’un doigt en apprend beaucoup plus que Descartes-Malebranche-La Mettrie». En son nom et en celui de toutes les Madame Edwarda au bordel, il cultive les ivresses des profondeurs des femmes les plus vieilles qui le déniaisèrent – mère comprise qui fit tout pour ne pas l’avoir sauf le nécessaire.
Mais faut-il toujours croire Cauda ? Est-il bon ? Est-il méchant ? Nous espérons qu’il ira cuire aux enfers où nous espérons le rejoindre pour fuir les cris et les hurlements des supporters. Cauda lui a mieux à faire : aux ballons Adidas il préfère ceux qui font dire « Ah dis donc ! » à leurs propriétaires quand elles les offrent « couronnés, rendus, rocs ». Néanmoins, il se rapproche des joueurs de rugby : plus particulièrement celui qu’on nomme dans ce sport « ouvreur ». Face au corps, le poète et artiste non seulement l’ausculte mais l’épluche, le visite, y entre à yeux et tombeau ouverts. Si bien que ses modèles ne sont pas de cire mais de cirque-constance. Cauda s’y fait dompteur, presse tige et dateur.
En ce sens, il est bien ce qu’il revendique : le maître non de la défiguration mais de la « Surfiguration ». Souvent avec le papier infra mince et les meilleurs pastels (« ceux qu’a créés Henri Sennelier en 1949 pour Picasso »). Mais, pour aller en profondeur, il ne crache pas au besoin sur le couteau, la brosse et le pinceau. Pour autant — et Cauda le rappelle dans son interview en plans séquences, un tableau parle avant tout par lui-même et non par ce qu’il montre.
Bref, un tel créateur reste une exception à bien des règles. Entre autres celles que la morale enseigne. C’est pourquoi il est béni entre toutes les femmes qui, en son honneur, offre des fleurs au mâle. Qu’importe si certains le prennent à tort pour un fou à lier.
jean-paul gavard-perret
Jacques Cauda, La te lier, Z4 Editions, Le Monnthuy 39300 Les Nans, 2018, 94 p. — 9,50 €.
A la question que tu poses, cher Jean-Paul, ” est-il bon? est-il méchant?” je réponds par ces vers de Baudelaire glissés sous le portrait de Daumier: C’est un ironique, un moqueur/Mais l’énergie avec laquelle/Il peint le mal et sa séquelle/ Prouve la beauté de son coeur.
La beauté, n’est-ce pas.…
Ces vers sont aussi en tête du livre de Henri Mahé : La Brinquebale avec Céline…
Bises