Le retour (Harold Pinter/ Luc Bondy)

Une mise en scène conte­nue, exi­geante, qui laisse long­temps en sus­pens la ques­tion du sens de ces télescopages
 
Le pla­teau est découpé, ouvert au public, comme un volume éclaté, un de ses angles empiète sur l’orchestre. Les acteurs jouent d’abord le silence des gestes du ménage quo­ti­dien, plus ou moins vel­léi­taires. Cela semble une chro­nique sans épais­seur de la vie ordi­naire dépour­vue d’attrait. Le pro­pos est consti­tué de dia­logues ins­crits dans le registre de la nor­ma­lité, avec son lot de bana­li­tés, de sous-entendus, de vio­lence conte­nue. On paraît expo­sés à l’absence d’argument expli­cite ; les rap­ports humains sont explo­rés à tra­vers le prisme des déca­lages entre les dires. Dans de mul­tiples répliques viennent en effet se cris­tal­li­ser des contrastes d’attitudes télescopées.

Luc Bondy éla­bore une mise en scène conte­nue, exi­geante, qui laisse long­temps en sus­pens la ques­tion du sens de ces téles­co­pages. Les énon­cés sont émis et reçus de façon non stric­te­ment illo­giques, mais de manière savam­ment impro­bable. Peu à peu les répliques sont jetées ; elles se font plus expli­cites, jusqu’à ce que les per­son­nages en viennent fina­le­ment à se négo­cier, se vendre. Dom­mage, alors, que ce défer­le­ment de viru­lence ne per­mette pas de conser­ver la même ambigüité que les moments de pré­sen­ta­tion ; le spec­tacle, levant l’ambivalence, y perd en richesse. Les énon­cés semblent se por­ter eux-mêmes indé­pen­dam­ment de leur signi­fi­ca­tion propre. La ten­sion est main­te­nue par les dis­cordes inter­ve­nant jusqu’à terme, mais en trou­vant son objet, elle semble fai­blir d’intensité.

chris­tophe giolito

 Le retour
de Harold Pinter

mise en scène Luc Bondy

© Ruth Walz — 2012

avec Bruno Ganz, Louis Gar­rel, Pas­cal Greg­gory, Jérôme Kir­cher, Micha Les­cot, Emma­nuelle Seigner

Assis­tants à la mise en scène : Peter Cant, Annette Hirsch, Créa­tion lumières : Domi­nique Bru­guière ; créa­tion cos­tumes : Eva Des­se­cker ; coiffure/maquillage : Cécile Kret­sch­mar ; décors : Johannes Schütz ; dra­ma­tur­gie : Botho Strauss ; son : Jean-Louis Imbert, Peter Cant.

© Ruth Walz — 2012

Au théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75006

Du 18 octobre au 23 décembre, du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 15h.

http://www.theatre-odeon.eu/fr/2012/11/03/le-retour

Pro­duc­tion : Odéon-Théâtre de l’Europe, Wie­ner Festwochen-Vienne, Les Théâtres de la Ville de Luxem­bourg, Schau­spiel­haus – Zürich, MC2 Gre­noble, Théâtre Natio­nal de Bretagne-Rennes, Pic­colo Tea­tro di Milano– Tea­tro d’Europa
avec les sou­tiens de Mon­sieur Pierre Bergé et du Cercle de l’Odéon

Le texte de la pièce, paru pour la pre­mière fois en fran­çais en 1969, est paru dans la ver­sion repré­sen­tée aux édi­tions Gal­li­mard en 2012.

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