Anne Hansen, Massacre — Rentrée 2018

Massacre sans tronçonneuse

Ne vous y trom­pez pas : il n’y a qu’une parenté homo­ny­mique entre Anne Han­sen, auteure dont nous avons là le pre­mier roman édité, et Gun­nar Han­sen, l’acteur de Mas­sacre à la tron­çon­neuse, décédé en 2015. Seule la notion de mas­sacre, la tron­çon­neuse en moins, relie ces deux Han­sen – avec cette réserve que les moda­li­tés d’extermination d’autrui varie de manière consi­dé­rable dans les deux oeuvres.
Si, de fait, le pro­pos qui se déroule ici inter­vient bien entre deux « mas­sacres » ( au Bata­clan et à Bruxelles), com­mis par les ter­ro­ristes « bar­bares » que l’on sait, l’attention de l’auteure se porte sur­tout sur une autre forme d’exécution, bien plus insi­dieuse et sour­noise (sans doute parce que indi­vi­duelle plu­tôt que col­lec­tive, du moins en un pre­mier abord) : celle qui pré­vaut dans le monde à part de l’Entreprise et qui porte céans, à titre de vic­time expia­toire et de cible idéale, sur un cadre supé­rieur parmi tant d’autres : Charles Blan­chot, marié et père de deux enfants, che­villé corps et âme à la logique cor­po­rate et qui va avoir la mau­vaise idée, après les atten­tats, de sou­mettre à ses supé­rieurs un ambi­tieux plan de réor­ga­ni­sa­tion de son ser­vice. Ce qui va l’amener au pré­ci­pice de la mise au pla­card pré­cè­dant la vin­dicte publique et la dépression.

C’est à cette lente et inexo­rable chute que nous assis­tons, au gré d’une plume qui fait le choix tout du long d’une dis­tan­cia­tion select, oscil­lant entre la caus­ti­cité, l’ironie dis­crète et le recours allé­go­rique au sub­stan­tif des­tiné à poin­ter la dimen­sion uni­ver­selle de cette fable mon­daine. Il n’y a là tou­te­fois rien de bien nou­veau sous les sun­lights du capi­ta­lisme effréné et de la mon­dia­li­sa­tion galo­pante qui broient de leurs dents hypoïdes les engre­nages moindres dont il s’alimentent pour croître.
Que la vio­lence soit légion, soit. Ainsi, qu’une forme de mas­sacre sous toutes les accep­tions et cou­tures du terme, puisse ici-bas se déve­lop­per, c’est une chose. Mais c’en est une autre que de pou­voir, à par­tir de sobre constat, adop­ter une sti­mu­lante posi­tion critique.

Comme l’auteure ne fran­chit pas ce pas, ce “pas au-delà” oserait-on dire en hom­mage au grand écri­vain Ban­chot, des­ser­vie qu’elle est de sur­croît par un édi­teur qui n’a pas dû beau­coup relire son manus­crit — si l’on prend la peine de noter la quan­tité plé­tho­rique d’adjectifs et d’adverbes par page (par­fois trois dans une même phrase : Mon­taigne rap­pelle certes que l’on n’ abuse point que des bonnes choses mais tout de même !) -, le lec­teur reste sur sa faim, l’argument géné­ral de l’histoire le cédant à la gra­tuité de la mise en rela­tion entre atten­tats et souf­france entre­pre­neu­riale made in RH. A tout prendre, sur ce sujet, il vaut mieux lire l’épatant Réso­lu­tion de Pierre Mari.

A l’instar de son per­son­nage, Anne Han­sen semble ne pas être (assez ) « à la hau­teur » des attentes qu’elle sus­cite dans ce court roman et de son propre pro­jet lit­té­raire. Reste une écri­ture élé­gante qui gagne­rait à s’épurer davan­tage pour tendre vers plus d’incarnation.

fre­de­ric grolleau

Anne Han­sen, Mas­sacre, Le Rocher, 2018, 213 p. – 17,00 €.

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