Stéphane Le Mercier invente des œuvres « aux gestes plastiques minimum — ce que je nomme les gestes de première urgence » écrit l’artiste. Chaque sculpture ou – comme dans ce livre – dessin possède la possibilité de devenir objet à la valeur d’usage –ici –précise et qui pourrait servir de protection aux adeptes du roller. Pour autant, ses dessins sont tirés d’un test d’évaluation cognitive… Il est sorti de son contexte pour créer une évidence formelle à autre signifiant.
Dans l’esprit de Michelangelo Pistoletto et ses « Ogetti in meno », l’artiste pousse ici plus loin son jeu avec humour et aussi effet de vertige. D’autant que l’artiste ferme son livre par une énigme : « Les mots soulignés de rouge, les parties encadrés en bleu, les filets en noir». Mots que l’artiste a tirés d’une note manuscrite de Guy Debord concernant le moyen d’analyser ses articles… Le problème reste entier puisqu’il n’existe là ni mots, ni parties, ni filets. Bref, nous ne sommes pas loin des « triangles carrés » de l’artiste. Preuve que de tels »plans » signifient des ailleurs plus ou moins hypothétiques. Mais là n’est presque plus la question.
De tels dessins sont certes des possibles. Ils ne sont pas sans rappeler « Le timbre Walser » que l’artiste créa en hommage à Robert Walser. Celui qui passait son temps à l’hôpital psychiatrique, entre l’écriture de ses microgrammes et de longues promenades en solitaire, mourut dans la neige : et lorsqu’il fut découvert, les reliefs de ses semelles dessinaient des derniers signes secrets qui se retrouvent en partie dans ce livre.
Dès lors, maître ès déphasages, Stéphane Le Mercier même s’il semble s’éloigner du contenu documentaire de ses autres ouvrages « pauvres » poursuit une suite et une dynamique à l’expressivité aussi compréhensible que douteuse là où la volontaire légèreté de la qualité du papier rappelle celui du patron en couture. Manière de perdre encore plus le regardeur entre ces articulations — ou leur contraire.
jean-paul gavard-perret
Stéphane Le Mercier, Quatre motifs pour coudières et genouillères, Editions Incertain Sens, Rennes,2018, non paginé — 5,00 €.