Olivier Vatine & Alberto Varanda, La Mort vivante

La Mort peut-elle être défiée ?

Olivier Vatine adapte le roman au titre épo­nyme de Ste­fan Wul, livre paru dans la col­lec­tion Anti­ci­pa­tion du Fleuve Noir sous le numéro 113 au second tri­mestre 1958. À l’époque les dates de paru­tions étaient don­nées au tri­mestre. L’intrigue se struc­ture autour d’un retour à la vie, une façon de faire un pied de nez à la mort en retrou­vant une petite fille de dix ans bien vivante. Ste­fan Wul, qui était par ailleurs den­tiste de pro­fes­sion, pos­sé­dait les connais­sances scien­ti­fiques pour ima­gi­ner de façon cohé­rente le pro­ces­sus d’une telle renais­sance. Son ima­gi­na­tion féconde com­blait de belle manière quelques lacunes en la matière. En 1958, la géné­tique n’avait pas fait les consi­dé­rables pro­grès que l’on connait aujourd’hui dans la struc­ture de la matière vivante et le fonc­tion­ne­ment intime du corps humain. D’ailleurs, Oli­vier Vatine intro­duit dans son adap­ta­tion quelques indi­ca­tions que Wul aurait pu prendre comme des inexactitudes.

Lise, la fille de Mar­tha, est en com­pa­gnie d’Alex au som­met d’une tour éven­trée. Il sur­veille la remon­tée d’un char­ge­ment exhumé des niveaux inon­dés. Ce sont prin­ci­pa­le­ment des ouvrages scien­ti­fiques. Un ache­teur, sur Mars, raf­fole de ces vieille­ries aujourd’hui inter­dites par l’Institut. La petite fille, trop près du bord, tombe et se fra­casse quelques étages plus bas. Les plon­geurs voient alors des poulpes-tripodes entrer en contact avec l’esprit de la petite fille morte. Mar­tha est folle de dou­leur.
Sur Mars, au palais de l’Institut, Joa­quim Bos­trom passe devant le tri­bu­nal de ses pairs. Il a trans­gressé les normes éthiques édic­tées. Son labo­ra­toire et ses biens sont mis sous séquestre. En ren­trant chez lui, il trouve Alex qui l’attend en com­pa­gnie d’Ugo, un cyborg géant. Il vient le cher­cher. Sa patronne, connais­sant ses talents en nano­bio­lo­gie, veut qu’il crée un clone de sa fille. Mais ils sont loin d’imaginer les consé­quences funestes que cette action va engendrer…

L’action se déroule sur une Terre dévas­tée, par les guerres de la période pré-exode. La pla­nète est conta­mi­née par les radia­tions. Seules des équipes de contre­ban­diers explorent les sites alors que le reste de l’humanité s’est réfu­gié sur Mars où une société s’est recons­truite. On retrouve nombre d’indications scien­ti­fiques et la réfé­rence, par exemple, aux tra­vaux de Mandy Muy­bridge, célèbre pour ses pho­tos réa­li­sées dans les années 1880 où elle décom­po­sait les mou­ve­ments.
Si l’intrigue est inté­res­sante, avec toutes les inter­ac­tions telles que l’odyssée d’Ugo, la créa­tion des poulpes et leurs capa­ci­tés… elle sem­ble­rait moins brillante sans la mise en images tout à fait remar­quable d’un Alberto Varanda au som­met de son art. Il crée des per­son­nages et des décors fabu­leux, retrou­vant le style des illus­tra­teurs de la fin du XIXe siècle avec de nom­breux traits, des hachures plus ou moins denses qui créent les ombres. Il recons­ti­tue une ambiance proche de celle qui baigne les des­sins accom­pa­gnant les livres de Jules Verne. Les atti­tudes de ses per­son­nages sont réa­listes, les visages expres­sifs, le res­senti des émo­tions et, de plus, ils sont beaux. Mêmes les monstres, les poulpes, ani­maux au phy­sique par nature peu enga­geant, sont beaux. Ils sont tel­le­ment bien mis en image qu’ils perdent leur côté effrayant.

Glénat pro­pose avec La Mort vivante, un magni­fique album à l’intrigue pas­sion­nante et à la mise en images abso­lu­ment remar­quable, fai­sant retrou­ver l’atmosphère du roman.

serge per­raud

Oli­vier Vatine (scé­na­rio adapté d’un roman de Ste­fan Wul), Alberto Varanda (des­sin), Oli­vier Vatine & Isa­belle Raba­rot (cou­leurs), La Mort vivante, Glé­nat, coll. “Comix Buro”, août 2018, 72 p. – 15,50 €.

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