Eduardo Chillida, Œuvre gravée (exposition)

Etale­ment et écra­se­ment vers l’émergence

La pre­mière ren­contre de Chil­lida avec Adrien Maeght eut lieu en 1949. Com­men­cèrent à la fois une ami­tié et une col­la­bo­ra­tion qui ne sont jamais démen­ties. C’est dans l’imprimerie « Arte » de Maeght que l’artiste réa­lise une grande par­tie de son œuvre gra­vée et en par­ti­cu­lier de grandes eaux-fortes dont « Hom­mage à Aimé Maeght ». L’exposition est le reflet de cette ami­tié, de ce par­tage et d’une pas­sion mutuelle pour l’imprimerie. Car, même dans ces trans­ferts de « mul­tiples », la forme ne se quitte pas. Encore faut-il que ce qu’elle montre ne mente pas en refu­sant d’aller faci­le­ment à la recherche de l’identique.
Bref, pour qu’elle ne mente pas il faut que sa matière crisse. Et Chil­lida n’a cessé de le prou­ver dans son dia­logue entre et avec les formes qui vibrent, s’emboîtent, jouent jusqu’à la recherche de la fron­tière de ce qu’elles peuvent don­ner. L’artiste le pré­ci­sait visuel­le­ment avec ses deux pre­mières eaux fortes : « Glis­se­ment de limite » (1959).

Comme avec ses sculp­tures, Chil­lida dans ses œuvres gra­vées crée une ten­sion dans le rap­port des formes. L’œil s’y perd puis retrouve un che­min imprévu. Se crée une fable abs­traire que l’artiste recons­truit chaque fois en repre­nant tout à zéro afin d’éveiller quelque chose sans qu’il ne sache for­cé­ment quoi. L’œuvre avance char­gée de son his­toire que Chil­lida à chaque étape « vide » comme il lui faut écra­ser sa matière par le pres­sage. Car la gra­vure est d’abord une his­toire de matière loin de l’indécrottable pro­pen­sion méta­phy­sique.
Chil­lida la reprend, la refonde là où d’autres peintres l’avaient lais­sée et où on ne l’attend pas. Dans le jus des encres, Chil­lida avance par éta­le­ment et écra­se­ment vers l’émergence. L’œuvre retourne ainsi les signes. Se pro­duit alors une sidé­ra­tion où se per­çoit qu’en un tel tra­vail il n’existe pas de place pour la triche, la repro­duc­tion et la conces­sion à une mode.

jean-paul gavard-perret

Eduardo Chil­lida, Œuvre gra­vée, Gale­rie Maeght, expo­si­tion du 7 sep­tembre au 13 octobre 2018.

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