Coralie Trinh Thi, Betty Monde

Rock star païenne et ex-étoile hard­core défient la cen­sure en un défer­le­ment de déci­bels gon­flés aux effluves fémi­nines de la déesse

Tel auteur, tel per­son­nage. Ainsi, Betty et Cora­lie ont en com­mun une inten­sité peu com­mune mise au ser­vice de des­ti­nées qui prennent la forme d’incroyables aven­tures. Rock star païenne et ex-étoile hard­core s’avèrent beau­coup plus vivantes que le pré­fè­re­rait la morale des familles.

Aujourd’hui, alors que le nou­vel ordre bleu de France châ­tie d’une main lourde ceux qui déplaisent aux culs-bénits, l’initiative de défier la cen­sure par un défer­le­ment de déci­bels gon­flés aux effluves fémi­nines mérite plus qu’un simple inté­rêt littéraire.

Tout se taper et s’en taper

Betty a vingt ans et quelques, à Paris fin des 90’s. Une goth féline aux doigts cou­verts de bagues en argent, qui ne craint per­sonne, même pas les cli­chés. Chan­teuse de “Betty Monde”, groupe phé­no­mène de la scène métal… Peut-être piétine-t-elle sa fémi­nité à coup de ran­gers mais les cor­beaux des deux sexes se rendent tou­jours à ses argu­ments quand elle choi­sit sa proie parmi les corps offerts à la nuit. Betty se tord, les bras lan­cés vers le ciel sinuant comme des ten­ta­cules, les jambes et le bas­sin glissent et ondulent sou­dés à la terre, éner­gie blo­quée et retour­née sur les fins de mesure. Betty danse entre ciel et terre, jouit d’être cou­pée en deux, le corps plombé et l’âme en fuite.
Exces­sive, elle repousse per­pé­tuel­le­ment ses limites, sexe, drogue et rock’n’roll. De soi­rées bat­caves en concerts déchaî­nés, elle chasse le plai­sir en reine de la baise sans perdre son humour ni sa tête.

Dieu est mort, que vive la Déesse

Elle joue avec les sym­boles, alchi­miste luci­fé­rienne qui attise les ten­ta­tions et s’évade d’une pirouette sur un point d’interrogation. Peau lui­sante, cuisses ten­dues, mèches col­lées, per­fec­tion de l’eyeliner gâchée d’une goutte de sueur… La scène élec­trique, la puis­sance du dra­gon qui tour­noie au creux de son ventre, Betty se mas­turbe face à la foule, atteint l’extase, fait tour­ner l’énergie, et la ren­voie démul­ti­pliée en vague de lumière noire.
Feth Qi’tchi, Meri­mim, feth Lexi­hus Lith Meri­mim
Feth Qi’tchi, Asta­roth, feth Lexi­hus Lith Asta­roth

Ce n’est plus du spec­tacle, ce n’est que du spec­tacle. Alors com­mence le para­doxe, entre show et invo­ca­tion, elle incarne la star ultime, l’icône under­ground qui devra aller tou­jours plus loin, jusqu’au bout des fan­tasmes du public et jusqu’au bout de ses contra­dic­tions personnelles.

De la nature des salopes

Tout s’emballe quand les jour­na­listes concentrent sur le groupe les pul­sions sinistres de cer­tains fans et les slo­gans pro­vo­ca­teurs qui font vendre du maga­zine. Soup­çon­nés de tout et de son contraire (anti-satanisme, anti-islamisme, anti­fé­mi­nisme, anti­pa­trio­tisme, anti-isme !) les membres du groupe mettent tout le monde d’accord : Betty Monde doit être réduit au silence. La dés­illu­sion blesse car le mes­sage de Betty est pro­fon­dé­ment idéa­liste : ce que la société juge obs­cène s’avère ce qu’elle consi­dère comme sacré. On mesure alors l’ampleur du mal­en­tendu entre l’entité gro­tesque mani­pu­lée par les média et la jeune femme de chair qui monte sur scène pour faire jaillir sa lumière des ténèbres.

Natu­rel­le­ment, l’érotisme raconté par Cora­lie se révèle écla­tant dans toute l’innocence per­verse de la magie sexuelle, tan­trique et pro­fane, expert comme il devrait l’être plus sou­vent. Loin de som­brer dans les cli­chés du milieu rock, elle écrit sacré­ment juste : Betty Monde porte en elle toute une époque et pro­jette aussi ses lec­teurs au centre de puis­sants mythes fémi­nins. Der­rière le regard cal­me­ment oblique de Cora­lie Trin Thi, il y a un être fas­ci­nant qui s’intéresse autant aux écrits de Jodo­rowski qu’aux per­for­mances des Rock­bitch, aussi à l’aise au Tek­ni­val que sur un pla­teau d’émission télé, reconnu pour son style ori­gi­nal à Rock & Folk et main­te­nant au Diable Vau­vert. Conclu­sion, quand à la lune de Bel­tane, vous croi­sez une déesse coquine qui vous rap­pelle un cer­tain Eude­line, ren­dez hom­mage. “Pomme Q” comme on dit.

Lien inter­view Obskür[e]

stig legrand

Cora­lie Trinh Thi, Betty Monde, Au diable vau­vert, octobre 2002, 308 p. –16,95 €.

Leave a Comment

Filed under Erotisme, Romans

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>