Révision des données immédiates de l’inconscience humaine
Et si la première version du monde d’Esther Tellermann était la dernière ? Il est vrai que la poétesse sait ce qu’il en est de la vie et sa fable souvent tragique. A travers des silhouettes esquissées dans les « digressions de l’existence », des voix s’expriment au sein des culs de sac que l’Histoire fomente en ses répétitions.
Les êtres sont ici victimes parfois agissantes de la paranoïa du temps dans un mixage de meurtres, d’oublis rédhibitoires, de sexe voire de tentative de refondation au sein d’une rêverie ou d’un cauchemar violent et désespéré.
Il s’agit pour Esther Tellermann de tenter de tordre la première version du monde en l’arrachant à la répétition du monde et l’« acharnement à disparaître ». L’auteur tente de reprendre nos vieilles images afin d’inventer une autre fiction contre l’Histoire et son appétence à la destruction.
La poétesse reste la maîtresse en poésie d’un imaginaire particulier. Elle mêle les éléments de sa psyché personnelle à divers symboles en un long poème qui n’a plus rien à voir avec un brouet dispendieux qui ramènerait le texte à une autofiction. Se pénètre un monde labyrinthique et gnomique fait d’un langage abrupt et sans concession.
Ce long poème en prose réunit le chant et ses fractions au sein d’une voix intérieure qui semble toujours sur le point de se casser. La poétesse évite tous les effets là où l’ésotérisme se transforme en fulgurance afin de donner à l’intimité une face nouvelle. A travers elle, Esther Tellermann ouvre des interrogations là où elle feint de n’offrir que des états de constatation
jean-paul gavard-perret
Esther Tellermann, Première version du monde, Editions Unes, Nice, 2018, 148 p. - 20,00 €.