Il suffit de quelques lignes à Julie Crenn pour mettre en évidence le regard que Mirka Lugosi et Gilles Berquet posent sur les femmes. Les deux artistes créent par leurs images des histoires de désirs inconscients ou (en)joués dans des étoffes filantes et une mollesse coquine.
Les femmes n’en finissent pas de confondre la matière de la lumière avec celle de leur peau. Peut-être s’agit-il là de la seule approche recevable de l’amour : celui de l’appel au départ. Bref, de partir ou de recommencer et prendre la juste mesure de la frontière qui disjoint autant qu’elle retient la peur au doute.
Pour Mirka Lugosi, les dessins semblent « extraits de songes inavouables. De moments évanouis où fantasmes » là où l’imaginaire crée des transparences qui intiment au voyeur le ” regarde !” de Bataille. Et ce, même si à l’inverse de sa Madame Edwarda, l’héroïne de l’artiste ne se permet pas un tel ordre. Quant à Gilles Berquet, sa mise en scène permet de pénétrer la trinité Frida Kahlienne : handicap, sensualité et liberté.
A l’inverse du modèle de Mirka Lugosi, celui du photographe semble fuir l’objectif plus que de s’y livrer. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le modèle joue la Loulou de Pabst. Fraîchement coupés, les cheveux ne cachent en rien la féminité : au contraire, ils la soulignent et Julie Crenn met si l’on peut dire le doigt dessus. L’éros reste donc le pacte et le point d’impact qui unissent (entre autres) les deux artistes. Ils savent que l’innocence n’existe pas mais font comme s’ils l’ignoraient. Julie Crenn le confirme. Les trois ne se trompent pas.
jean-paul gavard-perret
Julie Crenn, Mïrka Lugosi — Gilles Berquet, Maison Dagoit, Rouen, 2018 — 8,00 € .