Onfray ignore le sens des mots de Maurice Blanchot : « écrire « sur » c’est par avance le fausser ». Dès lors, en dépit des épitaphes, péroraisons, commentaires, pseudo analyses, panégyriques, condamnations, etc ., du nouveau nouveau « philosophe » rien n’y fait. Onfray n’est jamais sur ce qui eut lieu ou n’eut pas lieu.
Mais trop sûr de lui, admettre ce point de rupture reste une problématique qu’il ne peut pas comprendre. Comment pourrait-il ne serait-ce qu’envisager ce point où l’écriture et la décision de rupture se rejoignent ?
Il pense sans doute caresser la rupture mais le taux d’abstraction n’est pas peu dans la pratique du hâbleur impénitent et qui se présente comme un matérialiste capable de river le pion à Platon et à Kant. Certes, il est capable d’écrire sur tout et sans coup férir.
Apôtre de l’achèvement et de l’accomplissement, il le mène jusqu’à la « décadence » qu’il annonce sans comprendre que seule « l’absence de livre » (Blanchot) prépare un tel avènement et ébranlement.
L’auteur croyant parler « sur » ne vaticine qu’ « autour ». Tout chez lui tend à la clôture dans sa volonté (raffinée ?) de jeter aux orties ce qu’il considère comme la répression opérée par les intellectuels (philosophes, artistes, écrivains, poètes) au nom d’une sainteté laïque qui le ferait le porte-parole des « sans grades ». Ce qui permet au récupérateur de mettre dans un même sac Houellebecq et Marine Le Pen.
Sartre, Beauvoir, l’existentialisme, Freud et la psychanalyse hier ou la Bible et ses anonymes aujourd’hui lui sont insupportables. Mais au lieu de les discuter sur le plan de l’argumentation, il se livre à une critique quasi people — et parfois au-dessous de la ceinture — en pratiquant l’art suspect de la citation dégagée de son contexte. Et ce, même s’il s’agit là du grief qu’il adresse à tous ses détracteurs. De fait, dans ce travail de suspicion douteuse et souvent basse il réagit comme un penseur toujours en mal de pouvoir dont il s’agit de s’emparer pour exister au sein de son « Université populaire » déplacée pour l’été à Deauville ou sur les ondes de France Culture.
Sa véritable bête noire reste BHL ce qui demeure bien mince pour tout débat philosophique et lorsqu’il s’agit de jeter au néant les siècles de culture occidentale. Mais il n’en a cure : aidé par ses adorateurs zélés il n’offre que de médiocres spéculations journalistiques en lieu et place de solides analyses. Saint Michel fait sa galette selon une perversion du logos et un rêve d’hégémonie populo-intellectuelle.
Le Bonaparte des Lettres veut entraîner derrière lui la horde des sans voix dont il prétend forger le jugement. Mais il ne fait que l’altérer par son idéologie en déblatérant des affirmations que rien n’altère même pas la vérité.
De la ruine de tous les systèmes qu’il prétend ébranler, Onfray se fait le chantre d’un « peuple » qui a toujours raison. A la condition exclusive : qu’il pense comme lui afin de fomenter une révolution culturelle dont le philosophe propose le trou normand.
Avec le clown, Mao reprend son vélo (écologisme aidant) pour que pédale à qui mieux mieux dans la choucroute son cercle des gogos. Qu’il se rassure, il s’élargit de plus en plus : France Culture depuis quelques années a promu le cauteleux en idole de ses programmes d’été.
jean-paul gavard-perret
Michel Onfray, Brève encyclopédie du monde, tome 3 : “Décadence”, Flammarion, 2018.
On ne tape jamais assez dur sur les faux prophètes ! Mais il est des cuirs sur quoi rien ne marque, hélas.