La passion du réel peut sembler une contradiction en ses termes. Dans le premier existe une composante religieuse, quant au second on s’y cogne. Mais avec Chambon le réel n’est pas mécréance même dans ses aspects les plus ténus.
Il suffit qu’une mouche vienne lui rendre visite lorsqu’il s’endort : « j’ai perçu son bourdonnement qui n’a semblé pourtant me troubler que d’une infime égratignure à la surface du silence ». Mais soudain ce rien est un tout.
Scrutateur des impermanences, le poète en saisit les puissances d’anamorphoses les plus intimes. La mouche par son entêtement ébranle l’air et l’auteur et celui-ci en légende les manifestations déplaisantes ou non. Pas besoin de chars guerriers pour entraîner un homme sensible au trébuchet des inquiétudes.
Le socle de l’écriture peut donc tenir aux pattes de mouche et ses élytres. L’ajustoir du tourment — et de l’humour — tient alors pour une conscience si vétilleuse à ce grain de folie qu’un diptère produit.
jean-paul gavard-perret
Jean-Pierre Chambon, Noir de mouches, Editions L’Auberge des Vents, Grenoble, 2018, 28 p. — 10,00 €.