James Sacré a souvent écrit en compagnie d’artistes et photographes (Alexandre Hollan, Lorand Gaspar). Mais avec les dessins de Jacques Clauzel, l’objectif et le propos changent. Le détour par les « gribouillis » de l’artiste lui permet de comprendre comment lui-même monte sa poétique.
Comme les dessins pour Clauzel beaucoup de ses premiers poèmes sont des « guenilles d’écriture ». L’auteur ne les renie pas mais ils lui rappellent que tout part à l’origine d’une « Vaine parole humaine / Dans l’informe bruit du temps » et sa sérendipité.
Les dessins de Jacques Clauzel sont donc de beaux prétextes que le poète analyse : les formes humaines deviennent des figurations fantastiques où peu à peu, sous le joug de la Méduse, le corps apparaît tel « un plaisir à peine avouable ». Surgit de telles oeuvres — sauf erreur jamais montrées avant cette édition — une existence qui sous l’aspect de « main seconde » permet de comprendre au-delà de l’apparent bricolage la subjectivité du créateur.
De fait, toute l’œuvre du peintre est déjà là. Et les dessins ne sont pas de simples travaux préparatoires. Ils approfondissent pour Sacré les œuvres de Clauzel comme celles que le poète a pu voir dans les musées de Sienne. Ce travail permet au poète de s’arrêter chez d’autres peintres sur des détails que, sans ces dessins, il aurait ignorés.
Les dessins ne sacrifient jamais le détail à la vue d’ensemble. Et c’est la leçon des dessins et du livre. L’analogie néanmoins avec la poésie semble s’arrêter là. Car chez lui, les brouillons finissent par s’intégrer – repris et corrigés – dans chaque livre en chantier.
Mais, après tout, n’est-ce pas toujours un peu la même chose ? Les détails dans leurs adjonctions font l’œuvre en entier.
jean-paul gavard-perret
James Sacré, Une main seconde, dessins de Jacques Clauzel, Faria éditions, 2018.