Jacqueline Dauriac, Exposition

Jacque­line Dau­riac : femmes

Jacque­line Dau­riac trans­forme la matière — et par voie de consé­quence « l’âme à tiers » chère à Lacan — en lumière. L’oeuvre n’est pour­tant pas sans objet – tant s’en faut  – mais celui-ci se trans­forme. Par ses dis­po­si­tifs et stra­té­gies (plaques de verre qu’un rayon lumi­neux tra­verse), la lumière colo­rée méta­mor­phose le corps d’une femme en noir, en rouge. La “pein­ture” devient d’un autre ordre.
C’est avant tout une his­toire de regard « appris » au musée du Prado de Madrid ou aux Offices de Flo­rence lorsque l’artiste était encore presque une enfant, puis avec les por­traits de Clouet, les joues de femmes et leur lumière chez Manet ou encore un pan d’ombre jaune dans un tableau de Delacroix.

La créa­trice y découvre la trans­pa­rence que la pein­ture pro­duit non pour effa­cer le corps mais trans­for­mer sa nature. D’autant que les décou­vertes plas­tiques de Jac­que­line Dau­riac se sont enri­chies des pay­sages du Maroc dont les cou­leurs semblent tout igno­rer de la gri­saille.
Tout dans l’œuvre reste de l’ordre d’une quête enta­mée avec sa ren­contre avec le tra­vesti Marie-France et elle découvre la fémi­nité qui tue et son plai­sir qui fascine.

L’artiste débute alors par des por­traits pho­to­gra­phiques puis des ins­tal­la­tions per­for­ma­tives et des­sins afin de don­ner aux mons­tra­tions un pro­fil par­ti­cu­lier. Elle crée un chant chro­ma­tique sur le corps des femmes. La sen­sua­lité chez elle prend une dimen­sion par­ti­cu­lière, inten­sé­ment éro­tique par effet de sug­ges­tion.
Et il convient chaque fois de faire abs­trac­tion des stra­té­gies pour ne rete­nir que l’objectif et la réus­site : tout est ici radi­cal, simple, puis­sant, « exci­tant » même si l’artiste par de tels glaïeuls incen­diaires ne cherche pas à créer chez le regar­deur des « plai­sirs vicaires » (Jacques Henric).

Il s’agit en effet moins de dési­rer que de faire dési­rer par une sorte de per­fec­tion. Elle tient tant au sujet qu’à sa mise en scène. Chaque image est de l’ordre de l’écharpe, de la caresse là où une jupe enrobe et dérobe l’objet du plai­sir plas­tique afin de don­ner l’envie de « cares­ser la pein­ture ».
Ce qui n’évite sans doute pas une cer­taine ambi­guïté — mais la créa­trice s’en amuse.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jac­que­line Dau­riac, Expo­si­tion, Gale­rie Isa­belle Gou­nod, du 1er au 27 sep­tembre 2018, Paris.

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