Doug Headline & Massimo Semerano, Midi-Minuit

Une ode, sous haute ten­sion, au cinéma Bis italien !

Le cinéma Bis, ce cinéma long­temps décrié à pour­tant fait les beaux jours de nombre de salles de cinéma et le bon­heur d’amateurs. Dans ce genre, nombre de films ont, au mieux, été igno­rés ou des­cen­dus en flammes par les tenants d’un cinéma plus “éli­tiste”. Cer­taines de ces réa­li­sa­tions sont aujourd’hui deve­nues des réfé­rences. Il suf­fit, pour s’en convaincre, de voir com­ment Les Ton­tons flin­gueurs sont encen­sés, alors que ce film a fait l’objet de pro­jec­tions confi­den­tielles pen­dant des années.
Nombre de réa­li­sa­teurs ita­liens ont œuvré dans ce genre et fait émer­ger deux grandes caté­go­ries, le western-spaghetti et le “Giallo”. Cette der­nière appel­la­tion fait réfé­rence aux cou­ver­tures jaunes d’une col­lec­tion de romans où l’assassin mas­qué n’était décou­vert qu’en toute fin, une cou­leur qui était éga­le­ment celle du Masque à sa grande époque.

Fran­çois Renard et Chris­tophe Lemaire, dit Godzy, sont des ciné­philes pas­sion­nés qui ne jurent que par le cinéma Bis, par­ti­cu­liè­re­ment la période ita­lienne des années 1960–1970. Marco Corso, l’un des réa­li­sa­teurs de cette époque, pose une énigme. Il y a vingt-cinq ans, il a arrêté brus­que­ment, en plein tour­nage, après la dis­pa­ri­tion de Luisa Dia­manti, la vedette dont il était amou­reux fou. Dino, un de leurs cor­res­pon­dants en Ita­lie l’a retrouvé et a réussi à leur obte­nir une entre­vue et une inter­view fil­mée, chez lui à Bologne. Sur place, Ales­san­dra, la gou­ver­nante, secré­taire et infir­mière de Corvo, les accueille et fixe les règles. Sa santé est fra­gile, il faut le ména­ger et sur­tout ne pas lui par­ler de Luisa Dia­manti. Quand il décide d’arrêter, il ne faut pas insis­ter.
Cepen­dant, leur arri­vée est connue. Un homme les sur­veille et les pho­to­gra­phie dès l’aéroport. Une sil­houette mas­quée ligote un homme sur une chaise, fait des confet­tis avec des articles, puis lui crève les yeux qui, d’après elle, ne servent à rien car ils ne savent pas voir. Quelques jours plus trad, un nou­vel indi­vidu est assas­siné selon le même mode opé­ra­toire. Et les deux amis ren­contrent leur idole mais se retrouvent impli­qués dans cette série de crimes…

Avec les deux per­son­nages prin­ci­paux et par le canal de l’interview de Marco Corso, le scé­na­riste fait œuvre d’historien, retrace le par­cours de grands réa­li­sa­teurs, les films qui ont mar­qué ce genre et cette époque. Il évoque nombre de films qui, main­te­nant, passent à la ciné­ma­thèque dans le cadre de jour­nées dédiées au genre. Paral­lè­le­ment, il construit une intrigue fort réus­sie res­pec­tant l’esprit des “Giallo”, dis­si­mu­lant jusqu’à la conclu­sion les moti­va­tions et l’identité de l’auteur des crimes. Cepen­dant, pour­quoi faire de Godzy le balourd de ser­vice en lui don­nant une natio­na­lité belge ?
Le des­sin syn­thé­tique de Mas­simo Seme­rano s’adapte par­fai­te­ment à l’atmosphère de l’histoire. Avec peu de traits, il brosse décors et per­son­nages, res­ti­tuant bien leurs émo­tions et leurs sen­ti­ments. Il intègre des scènes de films dans ses pages, appor­tant un côté un peu sur­réa­liste entre son gra­phisme épuré et ces quelques images réelles.

Un cahier pré­sente la fil­mo­gra­phie de Marco Corvo jusqu’à Luce Nera, son film inachevé ; quelques repères sur le genre en Ita­lie ; l’historique du “Giallo” et une liste de quelques indis­pen­sables pour connaître ce genre. On y trouve une abon­dante et magni­fique gale­rie de ces affiches hautes en cou­leurs et en scènes des­ti­nées à atti­rer le regard.

Le titre rend hom­mage à une célèbre salle pari­sienne dans le Xe arron­dis­se­ment, spé­cia­li­sée dans la pro­jec­tion de ces films.

serge per­raud

Doug Head­line (scé­na­rio) & Mas­simo Seme­rano (des­sin et cou­leur), Midi-Minuit, Dupuis, coll. “Aire Libre”, juin 2018, 176 p. – 22,00 €.

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