Bakael appartient à la race des Ashinn (les nains). Il est au port de Florentaix, au sud de l’Ardaigne, une région de « longues-jambes » où les étrangers et surtout les nains ne sont pas les bienvenus. Il accomplit la tâche pour laquelle il est venu, puis retrouve Tanaween, une elfe avec qui il partage sa vie d’Inquisiteur et… de nain. Il doit, maintenant assurer la mission que lui a confié Adrael, son vieux maître, et rejoindre la région de son enfance qu’il a quittée quand il avait sept ans. Il en a aujourd’hui quarante.
Or, Bakael redoute de retrouver les siens car il est rongé par une culpabilité. C’est son père, ayant la charge de responsable du village, qui a fait appel aux Inquisiteurs. Depuis un mois, des mineurs disparaissent et les quelques corps retrouvés sont en partie dévorés…
Le récit se développe autour de deux intrigues principales, deux éléments mystérieux. Qui assassine ces mineurs et pourquoi ? Quelles ont été les raisons du départ de Bakael ? Que peut-il craindre après tout ce temps ? Qu’est-ce qui le ronge à ce point ? Avec ce personnage et ses doutes, le scénariste livre nombre de réflexions sur la perception du passé que chaque individu peut avoir du sien, ce qu’il représente, l’analyse que fait chaque individu des attitudes des autres, l’interprétation de certains faits, de certaines attitudes, de certaines paroles. Il évoque les occasions manquées comme dire à ses proches combien ils comptent, les sentiments amicaux, amoureux, filiaux qu’ils génèrent.
Avec Bakael et sa famille, Jean-Luc Istin déploie des remarques sur l’existence, sur les émotions, sur la famille, la façon d’aborder les coups durs, les ennuis…
Istin livre un brin de sexisme quand il fait remarquer, dans un cartouche, qu’une des manies de Tanaween est de répéter inlassablement les mêmes choses, travers, ajoute-t-il, que l’on prête aux femmes. Mais il se rattrape quelques pages plus loin ! Laci offre une bien belle mise en images avec un sens précis du suspense, avec un art de coordonner les vignettes, de multiplier les formats. Il donne un réel dynamisme aux actions et réalise des décors de belle facture. Ses vignettes représentant l’intérieur des mines sont fort réussies.
La mise en couleurs de Digikore Studios reste cependant en-deçà, trop synthétisée, écrasant les traits.
Ce tome 9 de la série, prévue pour l’instant en douze volumes, se révèle riche, intense, attractif avec l’introspection de personnages, bien que l’intrigue reste toutefois assez classique.
serge perraud
Jean-Luc Istin (scénario), Laci (dessin), Digikore Studios (couleurs) Les Maîtres Inquisiteurs — t.9 : Bakael, Soleil, coll. Fantastique, mai 2018, 60 p. – 15,50 €.