Trois histoires, trois couples, des individus qui ne se ressemblent pas de prime abord, mais qui sont très liés, qu’un fil invisible réunit. Ou est-ce un même individu qui traverse les trois histoires à des époques différentes ? Denis Lapière adapte un court roman d’Alessandro Baricco. Les récits se basent sur l’aube, ce court moment entre la fin de la nuit, la fin du noir et l’arrivée de la lumière.N’est-ce pas l’idée même du renouveau, d’un nouveau jour où tout est possible ? Pourquoi ne pas en profiter pour prendre un nouveau départ, commencer une nouvelle vie ? Tout changer, tout laisser derrière soi dans le noir et avancer dans la lumière, n’est-ce pas le rêve de nombre de personnes !
Avant l’aube une femme pénètre dans l’hôtel Ambassador. Un homme est assis dans le hall. Elle engage la conversation, se fait curieuse voulant savoir ce qu’il attend, ce qu’il fait. Il finit par lui dire qu’il fabrique et vend des balances. Il doit partir pour un rendez-vous important pour l’avenir de son usine car il a de plus en plus de mal à placer ses fabrications. Mais la femme se fait pressante.
Un couple se présente à la réception de l’hôtel du Centre. Ils réservent une chambre puis repartent dîner. Au cœur de la nuit, le réceptionniste qui se repose sur un vieux divan entend le couple qui s’embrasse et il voit l’homme qui glisse sa main sous les vêtements de sa compagne. Il les invite à quitter le hall et à rejoindre leur chambre. Très mécontent, l’homme finit par accepter. La jeune femme redescend vite au prétexte qu’il n’y a pas de serviettes de toilette dans la chambre. La conversation s’engage et le réceptionniste lui conseille de quitter son compagnon trop violent pour elle. Elle s’offusque mais il lui dévoile qu’à son âge il en a vu de toutes les couleurs, qu’il a fait de la prison…
Dans une chambre pourrie de l’hôtel Univers, une femme veille, assise sur une chaise, alors qu’un jeune garçon dort d’un sommeil agité sur le lit. Soudain, elle prend une décision, réveille le jeune et ils partent en voiture…
Ces trois histoires se déroulent la nuit et se concluent à l’aube. Elles marquent chacune à sa manière une option ou un revers. Le choix de l’hôtel n’est pas anodin. C’est un lieu de passage, un lieu de transition, un peu hors du temps, de l’espace sauf pour quelques « Mlle Chanel ». Les couples arrivent les mains vides, sans bagages, sans rien qui les retienne, chacun étant libre d’entreprendre une nouvelle existence… différente. Sera-t-elle plus belle, plus harmonieuse, plus heureuse ?
La mise en images, en gouache directe, d’Aude Samama restitue avec bonheur cette atmosphère étrange née de ces moments où la fatigue pèse et donne à l’environnement un flou perceptible.
Un beau sujet mis en scène avec justesse par Denis Lapière et Aude Samama qui donne à son graphisme l’expressivité et l’épuration nécessaires à l’ambiance du récit.
serge perraud
Denis Lapière (scénario adapté du roman d’Alessandro Baricco), Aude Samama (dessin et couleurs), 3 fois dès l’aube, Futuropolis, février 2018, 104 p. – 20,00 €.