Collier Schorr a commencé son travail en collectionneur. Non en collectionneur d’art mais d’images qu’il retirait de magazines et qu’il assemblait sur les murs de sa chambre. Il rassemblait là les filles et les lieux et les vêtements qui lui plaisaient. D’abord il prenait des photos sur les magazines de ses parents puis sur ceux qu’il s’est mis à acheter et pratiqua ainsi jusqu’à l’âge de 21 ans.
Ce qui comptait et qui compte toujours pour lui demeure moins la représentation induite par la prise, que la photographie elle-même et son langage. Le futur artiste se disait pratiquant d’une telle méthode non parce qu’il voulait devenir photographe de mode mais parce qu’il lui semblait impossible d’achever une photographie – c’est pourquoi il fut fasciné par les développements pour « Blow-up » même s’il ne voulait devenir un double du héros du film…
Mais peu à peu, partant de ces expériences, il a trouvé sa science du montage mais aussi d’un montrage parfois fractal et impressionnant. Assistant de Richard Prince, il se dégagea de sa manière pour inventer ses propres narrations dans lesquelles le modèle est à la fois outrageusement présent et mis néanmoins à distance.
Ses images personnelles sont prises non en studio mais dans des lieux privés en Allemagne et récemment à Paris dans la maison de Jehnny Beth. Proche de ses sujets, il évite néanmoins le self portrait. Mais loin de son travail pour la mode, dans ses propres travaux, l’artiste cherche à capter des moments de crise sur lesquels le regardeur peut greffer ses propres images ou fantasmes. Mais il continue toujours, même avec ses propres photos, ses montages premiers. Back home en quelque sorte.
jean-paul gavard-perret
Collier Schorr, In Front of the Camera, Stuart Shave/Modern Art, London, du 28 juin au 1er septembre 2018.