Par ses portraits et paysages — même de commande -, Albert Watson prouve que la réalité peut devenir un songe. L’imaginaire fonctionne chez lui à la manière d’un dynamisme mais aussi d’une paresse qui néanmoins empêche chaque image de s’enfermer dans un registre attendu. Le visible et l’invisible fonctionnent à plein dans un fouillis de formes en des séries de masques et de mises en abyme d’une logique de la représentation.
L’artiste fait toujours œuvre de délicatesse, ses images sont des créations où le sens du réalisme et d’une certaine sacralité joue de l’implicite. Pas question pour autant de créer par ses images un formalisme à intellectualiser. Et la phrase de Beckett “Une œuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix” convient parfaitement à Watson.
Ses images échappent au pur utilitarisme commercial ou esthétique. Se dérobant à toute signification et renvoyant au-delà d’elle-même, la photographie élabore une réalité autre là où tout se ramène à une affaire de prises dans la réalisation d’un possible ou d’une épiphanie là où le photographe s’amuse avec les archétypes et les attendus.
Le lieu de l’imaginaire est donc un lieu ambigu et paradoxal qui joue ironiquement de l’équivoque pour parler — jusque dans des nécessités commerciales - d’un ailleurs. Ici-même. Ici-bas. Le tout pour offrir une rêverie dans ce qui devient l’expression d’une réalité qui s’ajoute à la réalité pratique et fabrique un sens poétique du « figural ».
jean-paul gavard-perret
Albert Watson, Fashion, Portraits & Landscapes – Pictures from the Blumarine archive, Marsilio Editori, Milano, 2018.