Une intrigue jubilatoire qui explore les profondeurs de l’âme humaine
Un bon polar, on ne peut plus le quitter. On a beau tomber de fatigue, il nous pousse à tourner inlassablement les pages, jusqu’à l’épuisement. Arab Jazz fait partie de ces romans-là. Ce livre a donc une première vertu : il apaise la lectrice insomniaque que je suis. Maintenant j’ai une bonne raison de ne pas fermer l’oeil. De toute façon, ce livre accroche la rétine et stimule l’imagination. Ne comptez pas sur lui pour vous guider vers le sommeil.
Il faut dire que l’auteur est un charmeur de serpents. Il ne se contente pas de nous lancer à la poursuite d’un tueur diabolique. Il nous happe dans un univers délicat où les mots coulent, dansent et nous émeuvent. La lumière ici flirte constamment avec les ténèbres. Et c’est ce qui rend cette histoire si vivante, si réelle et si palpitante. Karim Miské* nous plonge dans le 19ème arrondissement de Paris. Un quartier cosmopolite où se cotoient un coiffeur juif, un libraire arménien et des jeunes salafistes. Il nous installe dans la vie d’Ahmed Taroudant, un intello asocial au cœur tendre, prisonnier de son passé. Le jour où le corps de sa voisine est retrouvé atrocement mutilé, il endosse le costume du coupable idéal. Son chemin va croiser deux lieutenants de police atypiques. La belle Rachel Kupferstein et le rugueux Jean Hamelot. Ces personnages-là sont des romans à eux-seuls. Et le trio qui va se former au cours de cette intrigue est jubilatoire pour qui ne se lasse pas d’explorer les profondeurs de l’âme humaine.
Karim Miské nous jette ainsi au sein d’une enquête policière passionnante. On déroule avec exaltation le fil de cette histoire qui nous conduit dans des milieux peu recommendables : on y fréquente des musulmans fondamentalistes, des témoins de jéhova et des trafiquants de drogue.
Si ce premier roman contient quelques imperfections et si l’on se perd parfois vers la fin du récit, la beauté et la poésie qui se dégagent de l’écriture de Karim Miské les compensent largement. Et puis cet Ahmed Taroudant, c’est du pur bonheur. Un héros désabusé, torturé, mais néanmoins drôle, attachant, ample et transparent. Ce polar est clairement rafraîchissant. De la vraie bonne littérature policière française. Ce n’est donc pas un hasard si Arab Jazz a été couronné par le Grand prix de la littérrature policière 2012. Il y a ici l’art et la manière. De quoi vous détourner pour longtemps des polars bien ficelés mais néanmoins ronronnants des stars américaines du genre. Arab jazz est un livre qui sonne juste. Personnellement, j’en redemande. Ce premier roman est une belle découverte et nous promet de belles heures de lecture, car c’est évident, Karim Miské ne peut pas s’arrêter là. Cet auteur capte l’invisible et sait le mettre en musique. Voila qui tombe bien car le charmeur de serpents à l’intention de nous composer une suite. J’ai hâte d’écouter son prochain livre.
sandra coutoux
Karim Miské, Arab Jazz, Editions Viviane Hamy, 299 p. — 18,00 euros
*Karim Miské est un réalisateur français. Il est l’auteur de plusieurs documentaires dont le très remarqué Musulmans de France . Il travaille actuellement sur une série pour arte traitant des relations entre les juifs et les mususlmans depuis 1400. Arab Jazz est on premier roman.