Vacances romaines et d’autres lieux
Implicitement - en cinémascope ou en noir et blanc — ont structuré les cadrages et l’esthétique de la dolce vita balnéaire de Claude Nori. Son livre est un délice aussi néoréaliste que décalé. Observateur amusé, le photographe saisit la vie à même rues et plages. Vénus et Don Juan s’y exhibent en jouant les Monica Vitti et les Marcello Mastroianni d’opérette.
Armé d’un Canon autofocus en plastique, révolutionnaire pour l’époque, Nori s’en fit dès 1882 le complice, de Portofino à Capri. L’appareil ne craignait pas le sable, il s’inventa grâce à lui réalisateur en images fixes. Les filles posaient amusées et séduites fières de leur corps, de leur maillot de bain. Timides, elles pressentent qu’elles sont là à leur zénith et qu’elles pourraient jouer les héroïnes de romans-photos que l’Italie a inventés pour — et entre autres — les immortaliser.
Il n’est pas jusqu’aux mères de familles qui l’imploraient de photographier leurs filles. Et Nori inventait pour elle des histoires d’amour d’ « amants d’un jour ou d’un été. » La spontanéité est toujours de mise pour capter le trouble d’émois adolescents. Les jeunes femmes fixent l’appareil de leur regard troublant et désirant. Loin des canons habituels des actrices de l’italianité rebondie (Gina Lollobrigida, Sofia Loren) les filles sont naturelles au milieu de bellâtres qui eux aussi savent se mettre en valeur en jouant plus les Vittorio Gasmann que le Trintignant du « Fanfaron ». Ils se croient séducteurs. Le sont peut-être.
Et l’Italie reste pour Nori le seul pays où il n’a jamais connu de problèmes en sortant son appareil photo. En complicité avec ses modèles, un rire suffit à le tirer des situations embarrassantes. Toutes et tous ne rêvaient-ils pas de se retrouver dans un magazine où elles et ils seraient découverts par un réalisateur ? D’autant que le photographe sauvegarde contre toute attente une pudeur secrète.
Preuve que le photographe possède une prédisposition au plaisir de journées qui, non loin de la mer, ne manquent pas de charmeuses de divers serpents sans que rien ne soit dit ou montré.
jean-paul gavard-perret
Claude Nori, Vacances en Italie, éditions Contrejour, 2018, 184 p. — 40,00 €.