Alors que l’inspecteur Fabien Monceau part en vacances à Paris, le commissaire Bruno Morteau musarde sur les contreforts qui entourent Besançon. Pendant sa promenade, il est rejoint par Béatrice Montfort dont il a fait la connaissance, il y a quelques mois, lors de l’enquête sur le meurtre de son mari (Merde à Vauban – même éditeur). Elle veut solliciter son avis car elle craint d’être accusée de recel ou autre méfait. Elle a acquis pour 50 000 €, en son nom, il y a quelques années, sur les conseils de son époux, un tableau de Courbet, une version de Paysans de Flagey revenant de la foire.
C’est lors de la déclaration de succession que son tableau a attiré l’attention de l’expert mandaté. Il présente beaucoup de similitudes avec celui exposé au musée d’Ornans, mais volé le 18 septembre 2005. Celui-ci a signalé cette découverte à l’O.C.B.C. (L’Office Central de lutte contre le Trafic de Biens Culturels) qui a dépêché un enquêteur.
À Paris, Fabien a rendez-vous avec trois jeunes italiennes rencontrées la veille sur la place du Tertre pour aller voir Les Nymphéas. Mais seule Lucia vient à sa rencontre. Elle adore les impressionnistes !
L’enquêteur étant débordé, Morteau manœuvre pour récupérer l’affaire car Mme Montfort ne le laisse pas indifférent. Il décide de chercher, dans les relations de Pierre-Jean Montfort, qui a pu lui vendre le tableau. Très vite il repère un peintre, Artus, qui se dit descendant de Courbet. Il vend quelques rares toiles et vit surtout des subsides de son frère, médecin à Ornans. Prétextant une douleur au pied, il se présente comme patient pour le faire parler de son frère. Mais le praticien diagnostique un début de goutte et préconise un régime…
Quelle n’est pas la surprise de Morteau de retrouver Monceau avec une jeune femme, qui n’est pas son type, dans les rues d’Ornans. Revenu à Besançon, en examinant les comptes du couple Montfort, le commissaire repère un retrait de 50 000 € en liquide, le 5 octobre 2005, quelques jours après le vol. Mais la surprise est encore plus forte quand, revenu à Ornans, par hasard, un avis de décès annonce la mort d’Artus. L’acte de décès a été signé par son frère qui fait incinérer le corps…
Après le risque mortel à se promener sur les murailles de la Citadelle de Besançon, les deux policiers se retrouvent sur les traces d’un tableau de Gustave Courbet, une toile qui va occasionner Deux enterrements à Ornans. Ce duo improbable entre un commissaire blanchi sous le harnais et un jeune inspecteur tout frais émoulu de l’école de police fonctionne à merveille dans ce cadre romanesque. Si le premier est profondément attaché à sa terre natale au point de refuser toutes mutations qui lui auraient permis de s’élever dans la hiérarchie policière, le second ne jure que par Paris. Hors de cette ville, il considère être déporté, au bagne, en souffrance malgré les contacts très agréables qu’il peut nouer avec quelques représentantes de la population féminine locale.
Le romancier enrobe une intrigue subtilement construite d’un attachement fort à la Franche-Comté, ses paysages, son mode de vie, ses vins et produits alimentaires, ses spécialités culinaires. Après avoir fait œuvre de guide touristique pour la ville de Besançon et ses richesses architecturales, il s’attache aux pas de Gustave Courbet, à la cité d’Ornans et ses environs. Il cite nombre d’anecdotes sur le peintre, sur les lieux retenus pour des tableaux, sur la genèse de ceux-ci. Ainsi, il existait bien trois versions des Paysans de Flagey revenant de la foire. Le premier tableau a été détruit, le second est au musée à Besançon et le troisième dans une collection privée. Pour les besoins de son intrigue, l’auteur a « emprunté » ce troisième tableau, l’a placé à Ornans avant de le faire voler.
Sébastien Lepetit maîtrise l’art du titre qui interpelle. Après Merde à Vauban pour les fortifications de Besançon, il propose L’origine du Crime pour un roman sur Gustave Courbet, l’auteur du célébrissime L’Origine du monde. Ce roman policier, aux multiples facettes, rend hommage à un précurseur tout en offrant la lecture d’un récit passionnant pour ses personnages attachants et pour le cadre dans lequel se niche l’intrigue.
Il donne une furieuse envie de suivre le parcours de ce duo le temps de quelques vacances et de profiter pleinement d’une gastronomie “goûtue” à défaut d’être “light”.
serge perraud
Sébastien Lepetit, L’origine du Crime, Flamant Noir Éditions, avril 2016, 336 p. – 19,50 €.