Les silhouettes monocolores de Nicolas Jaoul nous ramènent à l’alexandrin de Baudelaire : “ La douceur qui fascine et le plaisir qui tue ”. C’est à travers cela que l’oeuvre garde sa puissance fantomatique et étrange. Non que la douceur ou le plaisir soit à chaque page mais de telles présences créent une beauté qui n’appartient qu’à elles — et à l’inconnu qu’elles génèrent.
Créer reste toujours pour Jaoul un rituel particulier là où les hommes restent primitifs mais créent un délire. Les découpes font ce que le corps trop souvent n’osent pas. Existent à la fois une impudeur extrême et une profonde pudeur. L’artiste laisse pressentir que quelque chose apparaît selon une étrange psyché. Les « ombres » colorées arrachent d’autres ombres en de tels jeux d’empreintes, leur émoi ou leur drôlerie et une sobriété presque minimale.
Nicolas Jaoul prouve que l’écart touche mieux que la simple reproduction. Les interférences — quoique parfois intempestives — traduisent néanmoins un respect de la vie même s’il existe des partages non dénués d’une forme de violence. Les êtres ont parfois mal à leurs formes, leurs couleurs, leurs secrets.
Et même si un « ça n’a pas d’issue » ramène à la condition humaine, le registre de l’avenir n’est pas oblitéré. Et même si on ne provoque pas artificiellement le plein, celui des silhouettes comble le vide qui les sépare les unes des autres.
jean-paul gavard-perret
Nicolas Jaoul, Eponyme, Maison Dagoit, Rouen, 2018 — 5,00 €.