Dans l’œuvre d’Eliza Douglas tout semble sortir de l’ombre et de la nuit du temps : mais tout s’agite dans un mixage d’abstraction et de figuration, de dilatation et de dilution non sans douceur et une forme de légèreté de l’être. Chez l’artiste américaine, qui fut d’abord employée dans un salon de coiffure, fit des études de sociologie (en hommage à une grand-mère engagée dans la contreculture lesbienne) avant d’entreprendre celles d’art, le féminisme n’est jamais appuyé.
Il reste bien plus subtil et incisif à travers des pans où apparaissent (entre autres) textiles et bras en des mises en demeure au sein d’une conquête de la fragilité et de la ténuité des êtres.
Il ne reste parfois que le presque rien du corps même s’il semble démesuré, l’à-peine coloré. Ne surgit que le silence. L’évidement en ce qui devient soudain la seule évidence. Perdure une circulation proche de l’absurde, des mouvements anonymes dans un endroit inconnu presque vide : désert plus que désert mais qu’on ne peut nommer.
Et où il faut pourtant bien enfoncer des racines, même si nous savons bien que le terrain où le hasard a planté ces radicelles n’est rien que néant mais où poussent les valeurs humaines que les mâles ont trop souvent bafouées et que les bras d’Eliza Douglas appellent.
jean-paul gavard-perret
Eliza Douglas, New Paintings, Jewish Museum, New York du 4 Mai au 21 octobre 2018.