Avec cette série Frédéric Genêt adapte la nouvelle Mauvaise donne et Gagner la guerre, un livre du romancier Jean-Philippe Jaworski. Celui-ci a créé Vieux Royaume, un monde où s’affrontent en jeux politiques complexes et pervers (mais en existent-ils d’autres dans le domaine ?) royaumes et républiques dans un décor qui emprunte à celui de la Renaissance italienne.
Don Benvenuto Gesufal en est le personnage principal, la colonne vertébrale des intrigues. Ancien vétéran des Phalanges, le corps redouté des guerriers de la république de Ciadalia, il est, désormais, tueur à gages pour une confrérie d’assassins, la guilde des Chuchoteurs.
Le récit débute à Kaellsbruck, quelques jours avant le massacre. Benvenuto, depuis la forteresse, vise avec une arbalète le voïvode Bela pendant que Welf l’encourage.
Trois ans plus tard, ils se retrouvent dans la capitale de la République de Ciudalia où Welf est de retour avec son navire. Benvenuto lui fait part des dernières nouvelles et fait état d’une guerre imminente entre Ciudalia et le royaume de Ressine. Ils évoquent le sénateur Ducatore qui a été banni suite aux événements de Kaellsbruck et qui rentre tout juste. Mais celui-ci n’a plus le poids nécessaire pour peser sur les décisions prises par les deux podestats des partis majoritaires qui ont fait alliance. Leur conversation est interrompue par un gamin qui apporte à Benvenuto une pièce portant trois traits. C’est le signe de la guilde des Chuchoteurs. Il retrouve Don Mascarina qui le charge d’occire un client anonyme. Il le reconnaîtra car, lorsque celui-ci se rend chez sa maîtresse, il porte un masque de renard. Comme il n’est accompagné que d’un valet, Benvenuto ne doit pas utiliser l’arbalète, son arme de prédilection, mais une épée ou un poignard.
Cette mission, qui semblait de routine, part en vrille quand le tueur veut poignarder sa victime. L’arme butte sur une cote de maille. Le valet qui demande à sa Seigneurie de s’écarter se révèle être un maître sorcier qui passe à l’attaque. Des hommes armés surgissent de tous côtés. Si Benvenuto réussit à échapper au piège, il a été blessé à la cuisse. Il retourne chez son mandant. Ce dernier est mourant après avoir subi le châtiment des trois traits. Gesufal a toute une meute aux trousses…
Cet univers mêle avec bonheur l’esprit et les actions des romans de cape et d’épée, des romans historiques, une bonne dose de magie et de sorcellerie. Le héros, un fameux bretteur, est au fait des jeux politiques ce qui lui permet de se maintenir en vie. L’intrigue est foisonnante, riche en scènes d’action, en batailles, duels et autres combats qui se pratiquaient à l’époque. Les rebondissements sont à la fête !
Frédéric Genêt a signé le dessin de neuf albums de la série Samouraï (Soleil), sur un scénario de Jean-François Di Giorgio. Parallèlement, il avait envie de manier la plume et le crayon. Après de nombreuses recherches, l’univers de Vieux royaume l’a séduit. Par ses luttes, par cette recherche éperdue du pouvoir. Avec son trait élégant, subtil, il donne des décors somptueux, des palais aux rues tortueuses, des coupoles aux bas-fonds. Les personnages sont campés avec justesse tant dans leur gestuelle que dans leurs expressions. Le dynamisme des scènes d’action retient l’attention.
Jean-Philippe Jaworski signe une introduction détaillée, brillante et humoristique sur la naissance de Benvenuto et la façon dont ce mauvais garçon, s’est imposé dans la vie du romancier, “l’obligeant” à écrire ses aventures. Ce premier tome d’une série de cinq emporte l’adhésion et fait entrer dans un univers que l’on quitte à regret pour attendre une suite que l’on souhaite aussi rapide que possible tout en conservant la qualité scénaristique et graphique de cet opus.
serge perraud
Frédéric Genêt, d’après l’œuvre de Jean-Christophe Jaworski, Gagner la guerre — Livre 1 : Ciudalia, Le Lombard, mai 2018, 64 p. – 14,45 €.