The indispensable Jerry Lee Lewis — 1956 — 1962

L’his­trion du rock

Jerry Lee Lewis non sans une cer­taine tran­quillité est resté le plus par­fait des pion­niers du rock. Gene Vincent et lui demeurent les plus proches d’une révolte ins­tinc­tive : elle emporta le pre­mier et fit suivre au second des sen­tiers pas for­cé­ment de la gloire mais quasi inter­dits – mais il se fichait comme d’une guigne de l’opprobre qui s’attacha à lui.
Sans ses écarts de conduite il aurait pu sans doute être Sudiste à la place du Sudiste : a savoir Pres­ley. Comme lui il était capable de chan­ter tout le registre de l’Americana glo­bale : blues, boo­gie, folk, blue­grass, coun­try et bien sur et avant tout le rock and roll. Et lorsqu’il se frotte aux mêmes titres qu’Elvis il garde sur lui le pri­vi­lège de ne jamais sacri­fier à la bluette même s’il était capable – comme lui  – de jouer les crooners.

Sa voix haute et grave, son phrasé par sac­cades et ajouts, son jeu de piano inimi­table – fait de répé­ti­tions comme d’avalanches de notes en grappes – donne à ses inter­pré­ta­tions un style faci­le­ment iden­ti­fiable. Et le triple album de Fré­meaux et Asso­ciés prouve qu’une telle musique n’a en rien vieilli. Tout ce que le chan­teur reprend est revi­sité à sa façon pour à la fois s’en moquer et le pro­lon­ger, tout en le conden­sant par le trans­fert musi­cal d’une écla­tante fron­ta­lité de son jeu de piano et de sa voix.
L’auteur peut presque paraître un dilet­tante tant il ne se force pas. Tout paraît facile. Mais c’est ce qui donne à ses ver­sions – ori­gi­nales ou non – leur charme et leur éner­gie. L’artiste a donc inventé un rock fas­ci­nant, entre dou­ceur et vio­lence. Existe une glo­ri­fi­ca­tion du tri­vial par sa mul­ti­pli­ca­tion iro­nique. Et le jeu vorace de la seule pointe d’une note répé­tée donne un effet de pan à ce qui pour­rait ne res­ter qu’une ver­ti­ca­lité incisive.

Entre la voix et le piano – sou­te­nus par une basse et une bat­te­rie et par­fois quelques arpèges de gui­tare solo –, tout est par­fait et dans son bain d’origine mou­vant, lacu­naire et bos­selé d’inconnu. Il y a là une “ bru­ta­lité ” du mar­quage mais per­dure le souffle d’une fraî­cheur ines­pé­rée de l’envol d’un piano que le show­man n’hésitait pas à piétiner.

jean-paul gavard-perret

The indis­pen­sable Jerry Lee Lewis — 1956 — 1962, Fré­meaux et Assc­ciés, 2018.

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