Fabienne Jacob, Un homme aborde une femme (Rentrée 2018)

Tout ce qu’il faut savoir sur l’amour quand on est une femme (ou un homme)

Fabienne Jacob sait ce que font les mots. Ce qui n’est pas for­cé­ment le cas de sa nar­ra­trice. Du moins pas tout de suite. Car il faut du temps. Sur­tout lorsqu’on vient d’être pla­quée avec le sen­ti­ment de plon­ger dans l’abîme. Certes, il faut du temps nous dit-on alors. Cela est vrai même si à l’instant « t » le schlim­blik n’avance pas d’un pouce pour la Pier­rotte d’Amour.
Mais pour autant elle ne se com­plaît pas dans le marasme. Le tout est de tenir et sur­tout ne pas s’enfermer. Cette héroïne (miroir ?) pos­sède l’intelligence de la curio­sité et du mou­ve­ment. De nou­veau, Fabienne Jacob entame une suite de fla­sh­backs dont elle a le secret. Le tout au sein d’une enquête filée à la recherche d’un passé empié­tant et par une manière juste et acé­rée pour écrire le réel.

Comme lorsqu’elle parle d’un « homme dans le rayon de super­mar­ché ». De fait, il engage (avec des pou­lets arri­vés nui­tam­ment dans le même lieu) une remon­tée. Il est vrai que cette nar­ra­trice pos­sède une com­plexion adé­quate : son corps ne s’embarrasse pas de ce qui n’est pas vrai : « il éva­cue, il trie, il sait ». Enfin presque. Mais le moment voulu dans cette nar­ra­tion il se sou­vient de qui il fut (et de ses expé­riences) tout en s’accordant le droit de renaître et d’exister.
Le tout à l’exercice de la rue où « pour abor­der des incon­nues, les hommes font preuve d’imagination » et par­fois osent tout en matière de har­cè­le­ments. Mais le livre n’est en rien un brû­lot « me too ». La roman­cière fait la liste amu­sée des plus entre­pre­nants des impor­tuns comme des plus joyeux : maçons, cou­vreurs, plom­biers, char­pen­tiers — les gara­gistes font bande à part.

Dès lors pas à pas, au fil des évo­ca­tions, la nar­ra­trice retrouve pieds sur l’asphalte. Tout est mené de manière vive au milieu des mateurs et ama­teurs. Deve­nue mûre, la nar­ra­trice aime fré­quen­ter ceux mais aussi celles qui lui résistent comme l’ex-nonne. Elle ne peut se nom­mer défro­quée mais lui rap­pelle que le corps tû entraîne à des amours qui se seraient nom­mées jadis « contre-nature ».
Peu à peu, la femme non « des » mais « dans » les rues s’engage à suivre des incon­nus avec un sen­ti­ment océa­nique. Preuve que le quo­ti­dien recèle « des micro-miracles en pagaille pour peu qu’on veuille les voir » jusqu’à deve­nir fleuve (Amour ?). Il suf­fit par­fois de cla­quer une porte pour retrou­ver l’élan. Ce mot res­tera la « leçon » de ce roman si par­fai­te­ment réussi et non achevé…

jean-paul gavard-perret

Fabienne Jacob, Un homme aborde une femme, Buchet-Chastel, Paris, 2018, 192 p. –15,00 €. Mise en vente le 23 aout 2018.

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