Huitième volume (ici en onze chapitres) d’un cycle débuté il y a plus de 20 ans, ce livre est une tentative de s’approcher du réel. Une telle « politique des ronces » induit à la fois celles qui font obstacles et blessent dans un réel aride et celles qu’il faut « faire pousser » afin de s’opposer à l’ordre établi. Bref, ces ronces issues de la terre « Gleize » seraient des armes de résistance.
L’écriture tente de débroussailler la route humaine. Elle va chercher en talus et fougères ce qui permet, sinon d’offrir une issue au drame humain, du moins le moyen au discours de se poursuivre. Mais une telle « action politique » est bien minime. Au mieux, elle égratigne en ce qui reste une vue de l’esprit anecdotique. Et ce, même si l’auteur est un maître reconnu du genre poétique qui pense changer le monde par l’engagement et l’action.
Celui qui méprise la poésie en tant que « petit objet » s’érige comme défenseur d’un projet plus ample. Avec un certain mépris pour les autres poètes (sauf ceux de son « école »), il prétend à un geste « insaisissable et difficile ». Celui-ci se prête bien peu au dialogue. Et en dépit de l’amitié théorique qui le reliait à Denis Roche, Gleize fait de sa « post-poésie » auquel il se réfère quelque chose de fumeux eu égard ou en dépit de son rapport à la réalité objective.
Prétendant utiliser « les accidents du sol » et du réel, Gleize se veut le créateur d’une écriture « actuelle, factuelle ». Elle tient néanmoins plus de la pétition de principe que d’un réel mouvement de déplacement. L’auteur touche bien les limites créatrices car les possibilités d’un tel langage sentent la fuite abstraite plus que le vertige (n’est pas Ponge qui veut).
Marqueur officiel d’une poésie des débordements (illustrée par ses diverses revues, hier « Recueil », « Nioques » maintenant où sont compilés des poètes condescendants), Gleize offre une parole de magister. Elle prétend à un engagement douteux. Celui qui s’affirme zélateur et praticien d’une écriture où « le langage est une manière de se taire » ne cesse de parler. Il est de ces poètes qui comme Parra sont des poètes de cours spécifiques et de prés gardés sous couvert de chemin de traverses.
jean-paul gavard-perret
Jean-Marie Gleize, Trouver ici — reliques et lisières, Editions Le Seuil, coll. « Fiction et Cie », Paris, 2018.