L’œuvre au noir parsemée de corps en mouvement donne une nouvelle dimension aux Chants de Maldoror : la vision en devient plus abyssale et passe par le vide des gouffres et cristal des cimes. Des lambeaux surgissent de rêves criblés de mirages. Les exilés croient avoir tout à gagner au moment de leur perte. Rêvent-ils encore d’arrimages neufs au corps de leurs amants ou amantes ?
Elizabeth Prouvost transforme totalement le sens même de l’œuvre originale, biffe son lyrisme pour lui en accorder un autre. L’artiste y condense des jeux de ligne, des effets de pans, là où la lumière naturelle modifie les surfaces et ou les dégradés du noir au blanc créent des nuanciers d’un ordre particulier.
Le noir n’existe plus tant il est modifié par la « température » des situations et le type d’ombres ou de lumière qui se portent sur elles. Une telle expérience crée un univers aussi plastique que mental et poétique. La poésie de Lautréamont s’y décline en de subtiles compositions. Le reflet du reflet crée une esthétique originale propre sans doute à bien des possibilités d’ouverture comme de fermeture.
Les œuvres photographiques doivent donc se « lire » et s’apprécier à divers degrés pour parvenir à entrer dans l’émotion délivrée par l’artiste. Une émotion troublante et très souvent à la limite du paradoxe.
jean-paul gavard-perret
Elizabeth Prouvost, Chants de Maldoror, préface de Claude Louis-Combet, Editions ARH-CJH et présentation à la galerie Agathe Gaillard, 2018.