Parfois de manière quasi instinctive, Karine Cathala ouvre des espaces où peu à peu elle se baigne et s’abrite. Peu à peu son parcours artistique s’est ouvert à l’écriture en osant ce saut étouffé à la fin de son adolescence. Des brises se « lèvent » Parfois le jour, parfois la nuit. Dans tous les cas la créatrice avance en équilibre au sein de son être dont les bords doivent rester une frontière de sécurité existentielle. En diverses escales se dessinent et s’inscrivent des. architectures de déliés, des espaces interposés qui peu à peu sortent du passé. Empiétés dans un maillage où les larmes perdues se métamorphosent en rose marqué de bleu de Prusse pour délivrer des ombres qui peu à peu prennent la fuite.
site général http://www.karinecathala.com
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La Joie, celle de goûter l’essence de cette aube nouvelle. D’en découvrir les saveurs tantôt âpres et maussades tantôt délectante et délicieuse. Et d’en récolter les fruits.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je les vis aujourd’hui en honorant la voie de la création, en assumant ce chemin qui est le mien.
A quoi avez-vous renoncé ?
Avant d’être en mesure de l’assumer, il aura fallu que j’y renonce et me conformer aux attentes sociétales. C’est seulement après m’être perdue dans le conditionnement, face à la souffrance profonde de mon être, que j’ai pu en retrouver le chemin.
D’où venez-vous ?
J’ai grandi en région parisienne dans une cité d’où je garde comme un précieux trésor le goût de l’autre, de sa différence. Toute la richesse de notre humanité. J’ai vécu par la suite dans plusieurs régions pour m’installer en Bretagne dont la terre m’appelait de ses résonances pour m’y ancrer.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
De profondes blessures dans le féminin et avec le masculin.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Un sourire. Sourire du coeur, sourire des lèvres ou des yeux. Autant de petits moments furtifs qui me régalent.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes et poète ?
Je ne saurais le dire, ni même le voir. Il me semble être la personne la plus mal placée pour y répondre.
Comment définiriez-vous votre approche des images ?
Cette question me met en difficulté. Je ne sais pas y répondre.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Toute petite, je dessinais déjà des spirales, volutes et arabesques sur mes courriers, enveloppes et cahiers.
Et votre première lecture ?
« Barbapapa », quel bonheur…
Quelles musiques écoutez-vous ?
Assez hétéroclite et périodique. De toute façon acoustique. J’apprécie particulièrement le projet “Playing For Change“où des musiciens du monde entier interprètent ensemble des morceaux d’anthologie. Je peux toutefois citer Tinariwen, Arthur H, M… Les “Chants de l’Extase” d’Hildegarde Von Bingen me transportent littéralement.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Femmes qui courent avec les loups » de Clarissa Pinkola Estes. A chaque lecture, les archétypes s’y révèlent plus finement.
Quel film vous fait pleurer ?
Tous. Je suis même capable de m’émouvoir devant un navet pour peu qu’il y ait de l’émotion. Je ne sais pas faire autrement que vivre tout ce qui interagit avec moi.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Tout dépend de ce que j’ai envie d’y rencontrer…
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
En ce moment, j’éprouve une grande difficulté à écrire à l’homme que j’aime alors que je suis en train de me ré-écrire moi même.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Ys et l’Atlantide.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Ceux qui m’inspirent : Frida Kahlo, Mucha, Klimt et Lautrec en peinture. En littérature, Christiane Singer. Je suis inculte en poésie, je commence depuis peu à m’y intéresser. Je découvre en ce moment Abdellatif Laâbi et son écriture me réjouit. Jusqu’à présent je n’en ressentais pas l’envie… Seule l’écriture m’appelait.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Tout ce qui a été élaboré avec le coeur. Peu importe la forme.
Que défendez-vous ?
Plus rien aujourd’hui. J’ai combattu et m’y suis identifiée jusqu’à m’y perdre aussi. A présent, j’ai planté mon épée et je laisse les plantes sauvages la recouvrir. Désormais au creux de ma coupe afin qu’elle puisse pleinement honorer son service.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Toute la difficulté d’aimer et son apprentissage… La qualité d’amour que l’on offre à l’autre est à l’image de celle que l’on se porte.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Belle confiance en la vie.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Celle qui n’est pas encore née.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret, le 3 juin 2018.