Pour Helmut Newton le « Rocher» fut un havre fiscal mais pas forcément le paradis terrestre qu’il espérait. Monaco selon ses mots n’ est « ni une ville, ni une station thermale, ni un lieu de villégiature » : elle est noire et un rien funeste derrière les barrières de béton de ses hôtels, les boutiques de luxes et les yacht. Le soleil n’y change rien.
Néanmoins, le photographe allemand devenu australien s’y habitue plutôt bien que mal. Et pendant vingt ans il invite ses mannequins pour des shootings aussi délétères que joyeux. Il scénarise des scénarii de meurtres en hôtel de luxe, des scènes de retape de prostituées néo-punk et heavy-metal ou encore des naïades qui, pour tout plaisir, n’ont qu’une poupée gonflable ou un bellâtre parfaitement indifférent…
Pour autant, Newton ne renonce pas à son érotisme élégant et sophistiqué qui, selon lui, passe autant par les visages que par le sexe. Ce qui mériterait certains bémols… Mais chacun sait que pour lui les femmes de la « haute bourgeoisie » (comme disent en français les Américains) sont plus sensuelles que les coiffeuses ou les secrétaires. Et c’est ainsi qu’Helmut Newton présente un univers caustique, impitoyable plus que princier (même s’il fit ailleurs de superbes photos de la dynastie des Grimaldi).
Mais ici il reprend sa canne (ou son appareil) de voyeur professionnel, dandy drôle et indéniablement habité d’un sens de la composition. Le photographe pouvait déshabiller les plus beaux mannequins pour un triple gain libidinal : celui du photographe, celui du modèle et de la tierce personne (voyeur). Le tout en brouillant bien des pistes et jouant de tous les genres photographiques plus pour le plaisir du vice que les ennuis de la vertu.
jean-paul gavard-perret
Helmut Newton, Monte Carlo, Editions Louis Vuitton, 2018.