Aldo Qureshi, Made in Eden

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Le livre d’Aldo Qure­shi est une belle sur­prise. Repre­nant qua­si­ment le titre du der­nier album de « Queen », l’auteur offre une virée en ban­lieue pari­sienne pour en don­ner une vision qui échappe à tous les pon­cifs et registres clas­siques. Le livre est-il poli­tique ? Sans doute mais nulle ques­tion d’y trou­ver des réponses ras­su­rantes comme le sont celles des théo­ri­ciens de l’extrême-gauche et leurs len­de­mains qui enchan­te­raient.
L’auteur n’attend rien d’eux ou des autres dans ce qui tient d’une immense envo­lée et d’un rire sur­réa­liste. Dans son immeuble il existe des spa­ghet­tis qui gênent (mais ce ne sont pas les seuls), un boa domes­tique dont la mère de l’auteur lorsque l’animal est souf­fre­teux entre­prend  de « lui beur­rer les anneaux ». Et tout reste à l’avenant. Mais cette plon­gée en chute par­fai­te­ment libre est un régal.

Se foca­li­sant sur des faits plus ou moins, avé­rés l’auteur en fixe des images elles aussi plus ou moins (mais plus que moins) dou­teuses et déso­pi­lantes. Pour autant, l’angoisse n’est jamais loin. Qure­shi pousse une suite d’investigations impro­bables quitte à gêner ses voi­sins à force de « finas­ser » pour stric­te­ment rien. Il y a là des « meules » et autres « bécanes » avec des bikers qui ne valent pas plus le coup que l’auteur lui-même (si on en croit du moins une autre de ses voi­sines). Et la lec­ture vivi­fiante de cet Eden approxi­ma­tif prouve que « l’enfer c’est les autres » mais pas seule­ment et non en totalité.

Existe là un peuple hir­sute et mons­trueux : des femmes sans tête prêtes à tout pour qu’on leur fasse l’amour, des échelles de secours, des bus, des esca­liers voire un « arbre à kebab » et des « insectes poli­ni­sa­teurs du keba­bier ». C’est dire si cet Eden en a gros sur la patate au milieu des fruits et des pros­pec­tus. Si bien que les pen­sées ne com­mencent pas seule­ment à perdre l’équilibre. Dans la « réa­lité des éplu­chures de carottes », des « embryons d’alien » deviennent une pâte homo­gène. Des pen­seurs se pré­ci­pitent sur eux pour en lécher la sauce, Qure­shi à l’inverse se lie à ceux qui res­tent ses sem­blables et ses frères.

jean-paul gavard-perret

Aldo Qure­shi, Made in Eden, Ate­lier de l’agneau, 2018.

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