Les dessous d’un sombre assassinat…
Le 14 mai 1610, François Ravaillac assassine Henri le Quatrième. Le meurtrier est prestement jugé et, le 27 mai, écartelé en place de Grève en tant que régicide. Mais a-t-il agi seul, a-t-il été manipulé ? Quels enjeux la mort du roi servait-elle ? Les raisons restent floues et les historiens les plus scrupuleux sont en désaccord sur le sujet. Parce que l’entourage de Marie de Médicis, la régente, la pousse à tisser une alliance avec Philippe II d’Espagne, l’Angleterre y voit un grand péril. Le roi a envoyé une espionne, Lady Margaret Dorchester, pour avoir vent de ce qui se tramait au Louvre. Or, depuis le mois de novembre, elle ne donne plus de nouvelles.
Depuis quelques mois, Mattheus Kassov prend des leçons de français. En mars 1611, Lord Dawson, son mentor, lui en révèle les raisons. Il doit partir, sur ordre du roi, sur les traces de Margaret Dorchester. Pour ne pas attirer l’attention il voyagera seul. À Paris, il sera le commis d’un drapier, également Prévôt des marchands de la ville, situation qui autorise de nombreux contacts et peut ouvrir bien des portes. Sur place, il commence ses recherches, mais, très vite, il entre en terrain dangereux. Il appelle à l’aide, par missive, son oncle, le capitaine Kassov, resté à Prague. Celui-ci convainc son roi, Matthias Ier, de le laisser rejoindre Paris pour se tenir informer de ce qui se complote, le royaume étant directement concerné.
Mais la présence de l’oncle est-elle suffisante pour lutter contre des ennemis puissants qui font preuve d’une grande férocité ?
Après La Conspiration du Globe (même collection n° 5190) où oncle et neveu avaient dû batailler ferme, à Londres, pour sauver la mise à William Shakespeare, Mattheus est resté en Angleterre. Avec Helen, costumière au Globe, il a fondé une famille. Lord Dawson, lui, a obtenu un poste de Lieutenant de la garde du Palais.
Si Ravaillac est immédiatement mis hors d’état de nuire, son parcours, avant d’être enfermé à la Conciergerie semble quelque peu chaotique et intrigant. Les auteurs utilisent, en fond, ces errements et conçoivent leur intrigue sur l’idée d’un complot fomenté au plus haut niveau de l’Etat. Si Henri le Quatrième avait mis fin aux guerres religieuses, il n’avait pu éradiquer le fanatisme religieux, fanatisme qui régnait encore en maître, allant jusqu’à une guerre larvée. Avec cet angle d’approche, les auteurs mettent en avant Mattheus et lui donne le rôle principal. Sur ses pas, ils font découvrir la bourgeoisie parisienne des années 1610. Ils explicitent les secousses politiques, les alliances qui se faisaient au niveau des familles royales, pactes très souvent scellés par des mariages. On retrouve, tels quels, ces jeux politiques dans le régime républicain avec ces chefs de partis, avec ces couples qui se gardent bien d’afficher un patronyme commun pour masquer les innombrables conflits d’intérêt. Seul le microcosme adhérent à ces magouilles en est informé.
Bien que mettant en scène comme héros un personnage ayant déjà enquêté dans deux opus précédents, la lecture de ce seul roman se fait aisément car les romanciers introduisent toutes les données nécessaires à la bonne compréhension du passé. La description détaillée du Paris de l’époque, des différentes classes sociales, et leurs relations, est parfaitement restituée.
Thierry Bourcy et François-Henri Soulié offrent un troisième volet passionnant avec une excellente intrigue en tension où un tueur particulièrement efficace fait beaucoup de dégâts avant de… De plus, ils proposent une explication très cohérente de ce régicide.
serge perraud
Thierry Bourcy et François-Henri Soulié, Ils ont tué Ravaillac, Éditions 10/18, coll. “Grands Détectives”, n° 5307, mars 2018, 288 p. – 7,50 €.