L’Eveil du printemps (Frank Wedekind/Clément Hervieu-Léger)

La décou­verte du sexe comme une sou­pape face à l’austérité

Des notes semblent s’échapper d’une boîte à musique. Dans une grande pièce sombre, une jeune fille en sous-vêtements blancs s’éveille ; elle reçoit au matin de ses 14 ans une robe de sa mère qui s’empresse de l’habiller. La petite exprime par de grands gestes sa décep­tion à l’égard de l’excessive lon­gueur de sa nou­velle robe sur ses jambes, allu­sion bru­tale à son pas­sage pro­chain dans le monde des adultes, sans que de ses mys­tères elle n’ait été ins­truite. Quand la jou­ven­celle rejoint ses amis, auto­ri­sée à por­ter encore ses habits de petite fille, leurs échanges sont volon­tiers futiles, entre badi­nages et ques­tions sco­laires.
Pour­tant, les dia­logues sur l’émergence de la sexua­lité chez les ado­les­cents prennent assez vite un tour méta­phy­sique. Les scènes d’exposition se suc­cèdent, dans un déploie­ment désor­donné de verbes qui en vien­dront peut-être à se struc­tu­rer en traits d’esprit. Un beau décor fait de grands pansde poteaux mobiles s’agencent dif­fé­rem­ment au cours des scènes suc­ces­sives pour don­ner plus ou moins de fer­me­ture au pla­teau et enser­rer le pro­pos et l’histoire qui cherche à se raconter.

Parler encore et encore de ce qui les tra­vaille, les allume, les inquiète, les excite jusqu’à l’obsession. Un évé­ne­ment dra­ma­tique vient favo­ra­ble­ment dyna­mi­ser l’enchaînement des échanges entre les ado­les­cents et leurs parents et édu­ca­teurs. La décou­verte du sexe se mani­feste comme une sou­pape face à l’austérité, une confron­ta­tion à la vio­lence.
Les comé­diens sont vifs, enga­gés dans une inter­ac­tion dyna­mique, cepen­dant que leur jeu conserve un relent d’académisme qui ne donne pas suf­fi­sam­ment de relief et de contraste au texte. Sans doute la figure de « l’homme mas­qué », qui pour­rait avoir quelque chose à voir avec celle de Nietzsche, aurait gagnée à être davan­tage mise en valeur : on n’en sent pas pla­ner avan­ta­geu­se­ment l’éclat sur la pièce.

Une mise en scène appli­quée, hono­rable mais sans assez d’élan ; les choix de scé­no­gra­phie se montrent per­ti­nents mais ne par­viennent pas à mani­fes­ter toute la vita­lité trans­gres­sive qu’a cher­ché à expri­mer Wede­kind. On ne cou­vrira donc ni de louanges, ni d’opprobre la lec­ture qui nous est pré­sen­tée : hono­rable, esthé­tique, équi­li­brée, mais sans doute trop pon­dé­rée et insuf­fi­sam­ment inspirée.

chris­tophe gio­lito et manon pouliot

 

L’Eveil du printemps

de Frank Wedekind

Mise en scène Clé­ment Hervieu-Léger

Avec Mat­thieu Astre, Serge Bag­das­sa­rian, Cécile Brune, Clo­tilde de Bay­ser, Jean Che­va­lier, Pau­line Clé­ment, Juliette Damy, Michel Favory, Julien Fri­son, Éric Géno­vèse, Chris­tian Gonon, Robin Gou­pil, Gaël Kami­lindi, Alain Len­glet, Nico­las Lor­meau, Rebecca Mar­der, Chris­tophe Mon­te­nez, Sébas­tien Pou­de­roux, Aude Roua­net, Bakary San­garé, Geor­gia Scal­liet, Alexandre Schor­de­ret, Julie Sicard.

Tra­duc­tion Fran­çois Regnault (Gal­li­mard, 1983) ; scé­no­gra­phie Richard Peduzzi ; cos­tumes Caro­line de Vivaise ; lumière Ber­trand Cou­derc ; musique ori­gi­nale Pas­cal San­gla ; son Jean-Luc Ris­tord ; maquillages et coif­fures David Car­valho Nunes ; col­la­bo­ra­tion artis­tique Fré­dé­rique Plain ; assis­ta­nat à la scé­no­gra­phie Laure Montagné.

A la Comé­die Fran­çaise, Salle Riche­lieu, Place Colette, 75001 Paris.

Du 14 avril au 8 juillet 2018, en alter­nance, mati­nées 14h soi­rées 20h30, durée 2h50 (sans entracte).

Réser­va­tions 11-18h, 01 44 58 15 15 ou https://billetterie.comedie-francaise.fr/node/46746

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