Existent dans l’œuvre de Bertrand Peyrot autant une métaphorisation qu’une littéralité. La matière est interrogée au plus profond. Cache-t-elle « l’origine du monde » ? Non. Du moins pas celle que l’on croit. L’artiste suggère plutôt qu’elle évolue – et parfois plus vite que l’humain. Contre les prétendus invariants de l’art qui servent de pare-fumée, le plasticien ouvre à des escapades discordantes par lesquelles il refuse de céder le pas au convenu du tout-venant.
Ses œuvres deviennent des écrins à hantises auxquels il donne une propriété troublante dans une narrativité volontairement mais discrètement fluctuante. Une buée semble soufflée sur la face d’un miroir pour de subtils halos. Au bord de l’extinction, au bord aussi d’une renaissance, surgit une hybridation par présence de l’air qui ne manque pas de souffle. L’œil d’abord est égaré puis comprend les différences que l’œuvre propose au sein du fait « de nature ». Le marbre de la loi générique de la stabilité est remplacé par un autre magister : celui d’une vie et d’une œuvre en marche.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Je ne suis pas du matin, si je n’ai pas d’impératif je me lève tard, et me couche tard. J’aime mieux la tranquillité de la nuit.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Mes rêves d’enfant étaient irréalisables, alors forcément je ne les ai pas réalisés.
A quoi avez-vous renoncé ?
Je ne sais pas encore
D’où venez-vous ?
Je viens d’un village perdu relié au monde par une voie de chemin de fer qui menait au centre de Paris en 35 minutes.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Le dessin, et une dyschromatopsie axe rouge vert.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Une bière en musique.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
C’est difficile à dire. On croit toujours se distinguer des autres, et puis il y a toujours quelqu’un pour vous dire qu’il a déjà vu ça quelque part.
Comment définiriez-vous votre approche du “rouillage” ?
La corrosion permet de montrer le temps qui passe, c’est une approche sur la matière en devenir et sur la décomposition physique de l’œuvre.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La première image dont je me souviens et qui me vient à l’esprit c’est “L’annonciation” de Léonard de Vinci.
Et votre première lecture ?
Je ne souviens plus du premier livre que j’ai lu mais du dernier en revanche oui, c’était « Voyage au bout de la nuit ».
Quelles musiques écoutez-vous ?
Du punk rock et Prokofiev
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je ne relis jamais deux fois le même livre.
Quel film vous fait pleurer ?
« Le tombeau des lucioles ».
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi, moi, et encore moi. Fait chier….
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
En fait il faut que j’y réfléchisse encore.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Rome peut-être, mais je n’aime pas mystifier ou idolâtrer les choses et les gens. Quand on creuse, il y a du bon de partout.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Sans en être proche, j’aime le travail de David Altmejd, Daniel Richter, Jonthan Meese, Alber Oehlen, Leonardo Drew.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une tarte au citron meringuée
Que défendez-vous ?
La liberté de tout remettre en question.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Il ne faut pas confondre amour et désir.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
La réponse est non et la question on s’en fout.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Si j’avais un animal de compagnie
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelittteraire.com, le 22 mai 2018.