Un Spirou au concept et décors audacieux
Cette série, Le Spirou de…, permet à des auteurs, venus d’univers différents, de s’approprier ce duo de personnages et d’en donner leur propre vision, une autre approche. Si d’aucuns remontent dans le passé, proposent d’autres cadres et décors, le présent trio d’auteurs choisit de projeter leur histoire dans le futur.
Le scénariste retient un monde dominé par une administration toute puissante, protégeant des structures qui mènent des jeux troubles et décide de bousculer la tradition. Il donne des parents à son héros, transforme Seccotine, la petite jeune fille à queue de cheval, en une jeune femme avenante qui devient la sœur de Spirou et fait de Fantasio un baroudeur, lui qui dans les aventures originales est plutôt timoré face à l’action. Ce monde a beau être futuriste avec des moyens de locomotions tous plus spectaculaires les uns que les autres, on retrouve avec l’employé de la décennie, le principe d’une dénomination utilisée depuis des années par une chaîne de restauration rapide.
Dans un ciel futuriste, un engin spatial est attaqué. Du vaisseau assaillant, trois robots sortent et s’enfoncent dans les profondeurs de leur conquête. Pacôme, le professeur Z, sous les regards de Zorglub et Zantifio met en œuvre une réaction chimique sur de l’eau.
L’agent administratif Spirou, du service de surveillance biogénétique valide paresseusement cette procédure de la fondation Z. Il ne suit pas l’exemple de ses parents, hauts responsables dans la hiérarchie administrative. Son père, alors qu’il finit son service, l’appelle pour lui redire de ne pas être en retard au dîner organisé pour fêter le nouveau grade de sa mère. Spirou réplique que cette soirée serait encore plus réussie si sa mère avait des nouvelles de Seccotine, sa fille qui a rejoint la Rébellion.
Arrivé vers son véhicule, il remarque un ouvrier qui s’active à corriger le piratage des drones de communication. Les pirates annoncent l’enlèvement du comte par la Fondation Z, une organisation puissante et protégée en haut lieu. Quand il s’approche de l’ouvrier, Spirou reconnaît Seccotine. Elle est là pour lui emprunter, par surprise, son accréditation au niveau 7. Il est furieux car elle risque de mettre en l’air six mois d’enquête, de griller sa couverture et… de se faire attraper.
Repérés, ils sont pris en chasse par des robots-tueurs. Un baroudeur surgit qui leur sauve la mise. Il se présente : Fantasio…
Avec une approche très cohérente Denis-Pierre Filippi fait un lien novateur avec la série originale dont la parution a commencé en novembre 1951. Le récit fait le plein de trouvailles, tant scénaristiques que graphiques. Le graphisme, qui se partage entre Fabrice Lebeault pour le dessin et Greg Lofé pour la couleur, est magnifique. Ces créateurs réalisent des planches splendides, inventives avec des recherches, de détails piquants, humoristiques. Ils offrent des angles de vue spectaculaires, des perspectives intéressantes et attractives. Les personnages ont une apparence très moderne tout en présentant des ressemblances avec ceux de la série initiale.
Ce récit, astucieusement agencé,ouvre une intrigue jouant sur liens sulfureux qu’un pouvoir peut entretenir avec des extensions plus ou moins officielles au rôle plus ou moins obscur. Superbement menée, elle conduit à une belle conclusion et une jolie pirouette scénaristique.
serge perraud
Denis-Pierre Filippi (scénario), Fabrice Lebeault (dessin) & Greg Lofé (couleur), Le Spirou de Lebeault et Filippi — Fondation Z, Dupuis, avril 2018, 68 p. – 14,50 €.