Mischa Berlinski, Dieu ne tue personne en Haïti

Les silences de l’île

Dieu ne tue per­sonne en Haïti  est la tra­duc­tion d’un pro­verbe de l’île. Il signi­fie que per­sonne n’y meurt de manière natu­relle. On peut bien sûr l’interpréter de façon méta­phy­sique : face à la si grande souf­france qui sévit dans le pays et qui semble sans cause pré­cise, la mort serait due à une rai­son « sur­na­tu­relle». Mais, pour Ber­linski, la mort n’a rien de magique : la cor­rup­tion des élites poli­tiques assure les ser­vices funèbres.
L’auteur montre com­ment il n’existe pas chez les puis­sants de l’île des bons et des méchants. Amis et enne­mis créent de fait une foire aux embrouilles per­ma­nente que l’auteur anime dans son thril­ler où les maîtres écrasent et broient tous celles et ceux qui les gênent. Tout pour­tant au début du roman com­mence bien. Les héros sont ani­més par les meilleurs sen­ti­ments. Mais la loi de l’île est la plus forte.

Le pays n’est plus une abs­trac­tion ou un fan­tasme. La pau­vreté y est omni­pré­sente. Certes, les Amé­ri­cains en quête de rédemp­tion y ont par­fois un rôle quelque peu épi­pha­nique. Mais l’auteur met néan­moins en évi­dence com­bien les rap­ports entre les pays riches et les pays pauvres sont com­plexes. Et sous la cor­rup­tion ambiante et métisse des diables blancs rôdent, même lorsqu’ils débarquent avec leur propre bull­do­zer pour construire des routes.
C’est peut-être un des maux endé­miques d’un pays dont la sou­ve­rai­neté n’est qu’un mot et dans lequel « per­sonne ne dit jamais non ».

jean-paul gavard-perret

Mischa Ber­linski,  Dieu ne tue per­sonne en Haïti (Pea­ce­kee­ping ), tra­duit de l’anglais (U.S .) par Renaud Morin, Albin Michel, Paris, 2018, 512 p. — 23,90 €.

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