Léo Fourrier ou la vie moderne
En partie libertin, ce roman raconte – entre autres – ce à quoi ressemblent le beau corps d’aujourd’hui et l’amour qu’il suscite dans le monde homosexuel. Son « image » est aguichante ou féroce à travers un personnage – adolescent « émancipé » – dont le lecteur ignorera le nom. Il sera emblématique d’une littérature satirique sur notre temps et plus particulièrement de certains milieux, leur réalité et les légendes que ses acteurs se plaisent parfois à raconter pour informer ou tromper afin de préserver une part de liberté au moment où les interdits persistent mais selon de nouveaux rites.
Néanmoins, Fourrier refuse d’idéologiser ou de symboliser un réel. Il en surligne des traits alternatifs que certains caressent mais que d’autres ont du mal à approcher. D’où ce mixte constant de comique et de tragique, de drôle et de navrant au sein de ce qui tient à une chronique mi-mondaine mi-canaille. Le ton fait exploser le carcan de la fiction en jouant parfois de ce qui ressemble à une forme de gratuité ludique.
La forme est à la fois tendue et détendue, dense, intriquée et légère loin de la boue des confessions, des expressions sensibles, des déclarations oratoires. Le projet satirique empêche de telles fautes de goût. A l’inverse, le genre offre une vitalité interne à la forme de son jeu prosodique loin des jargons fashion. Bref, Fourrier évite le spectaculaire consommable qui est souvent une pellicule de veulerie, de coquetterie, d’inculture.
L’auteur a trop de technique pour une telle facilité d’écriture. Il rend le réel plus succulent que fâcheux. Le roman de formation prend des détours d’âge et de certains virages en des lieux interlopes. La réalité trouve un terrier mais elle est traitée en situation critique selon une alacrité très XVIIIème siècle et XVIème arrondissement (mais pas de détours en des quartiers plus “douteux”).
jean-paul gavard-perret
Léo Fourrier, Un incident mineur, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2018, 288 p.