La construction du livre est fondée sur des éléments hybrides : morceaux de textes de seconde main avec dessins qui tentent d’induire un itinéraire composite là où tout essaye de se documenter de gré ou de force grâce à des éléments épars, disjoints où est ébauchée une vague cartographie à la graphie approximative.
Ces « cartes » offrent-elles des territoires ? A peine. Tokyo, Moscou, Dublin, Kinshasa, Rome, Berlin, Paris, Sofia, Prague, Tanger : dans ces villes des propositions se dessinent, se perdent, renaissent. Tout est mis en abyme entre routes et courants marins. Mais aucun élément n’est décisif. Existent des allusions plus ou moins claires qui rappellent Joyce, Celan Kafka et bien d’autres mais tout compte fait, s’« il y a un pays », il demeure approximatif : la trace n’érige pas forcément une mémoire du lieu.
Certes, l’auteur tente de débusquer un espace mais il reste difficile à préciser sauf peut-être à se soumettre soi-même à une enquête poussée sous de tels griffonnages où s’inscrivent des portions de vie en feuilles quasi-volantes. Preuve que chez les auteurs germaniques la notion d’archives garde tout son sens depuis W. Benjamin, Walser et Warburg.
Existent bien sûr des preuves de « pas » et de marches à suivre. Mais le labyrinthe demeure. Ne reste que ce que suggère le sous-titre du livre : des « histoires égarées » sans gares de triages pour le peu que nous sommes. Si bien que chacun est renvoyé à la misère de voyageur incertain.
jean-paul gavard-perret
Hanns Zischler, I wouldn’t Start from Here, Traduit de l’allemand par Jean Torrent, Préface de Jean-Christophe Bailly, Éditions Macula, Paris, 2018.