Jean-Michel Esperet ne pleure pas au cinéma mais il a néanmoins du cœur. Toutefois, il n’en tartine pas sa littérature. L’auteur est un pince-sans-rire plus qu’un sale gosse. Il n’est pas de ces auteurs qui font les malins. Il a mieux à faire et à dire. Il dit implicitement son fait à la tradition, à la position culturelle et sociale de lignées d’intellectuels en adoptant une distance critique.
Les êtres jamais noyés dans leur décor, l’auteur les transplante. Emane un étrange effet de proximité et d’éloignement, de complicité et de mise à l’écart au sein d’une temporalité confondante et sans concession. Jusqu’à produire — entre autres — un magnifique hommage à Vince Taylor, étoile filante du Rock’n roll.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La fin du sommeil, vers 6 ou 7 heures.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils n’ont pas été contrariés.
A quoi avez-vous renoncé ?
A devenir virtuose de la guitare électrique et à apprendre à parler décemment le suisse allemand. Mais , peut-être qu’à 69 ans, je vais m’y remettre.
D’où venez-vous ?
De Montréal au Canada où mes parents avaient émigré en 1946.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Ce qu’on appelle une « bonne éducation ».
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
De tous les instants.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
Je les connais.
D’où vient votre goût pour les marges et les dissidences ?
Du temps passé à les éviter.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La beauté de ma mère
Et votre première lecture ?
Des « comics strips » américains (j’ai passé ma petite enfance aux Etats-Unis)
Quelles musiques écoutez-vous ?
Rockabilly, rock tout court , jazz , un peu de musique classique et de « variétés ».
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Il ne faut pas relire les livres que l’on a aimés. J’ai essayé.
Quel film vous fait pleurer ?
Aucun.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un vieux beau ou un beau vieux, un peu « cabossé ».
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Dieu et au Diable.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Rome, où j’ai eu la chance de vivre pendant onze ans.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Il y en a trop pour les citer
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un projet culturel ou artistique sur lequel je pourrais travailler avec d’autres.
Que défendez-vous ?
A bien chercher : le contrôle des naissances.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Qu’il ne sait pas de quoi il parle.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Qu’il a fait mieux.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Ce qui me fait rire.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 16 mai 2018.
Un message spontanné a tous les intervenants de la publication ce livre :
Moi qui connait Jean Michel Esperet depuis son adolescence au lycée,
Cette entrevue ne fait qu’attiser mon désir ardu de la lecture du livre.
Je ne vois pas encore de dissidence dans ses propos, mais il y a une grande cohérance,une logique implacable, un sens de l’houmour subtil.….
Jean Michel saura bien nous faire cautionner irrésistiblement toutes les dissidences annoncées quelles que soient notre allégence intellectuelle, sociale ou politiques.
Georges à Montréal, Canada depuis 31 ans