Une enquête agitée pour le commissaire Dupin
Georges Dupin, le commissaire de police de Concarneau, est dans le local à poubelles de la criée de Douarnenez. Il est face à un conteneur dont on vient d’extraire, recouvert de déchets de poissons, le corps d’une femme d’une trentaine d’années, qui a été égorgée.
La responsable du port et de la criée reconnaît Céline Kerkrom, une pêcheuse côtière qui vit sur l’île de Sein. Georges Dupin, qui a eu une très courte nuit, veut absorber, au plus vite, de la caféine. Au bar, la serveuse lui révèle que Céline était une battante, la seule à tenir tête à Charles Morin, un entrepreneur, à la tête d’une flottille, qui s’est autoproclamé le roi des pêcheurs de la région, un criminel jamais confondu.
Quelques heures plus tard, alors que son assistante et ses adjoints mènent une enquête de voisinage, Dupin apprend qu’un cadavre a été découvert sur l’île de Sein par un garçonnet. Il s’agit d’une jeune delphinologue du parc d’Iroise. Bien que Breton, aimant tout ce qui a trait à l’océan, Dupin a horreur de prendre le bateau. Or, pour se rendre rapidement sur les lieux, il n’a pas d’autres solutions que ce moyen de transport. Sur place, son adjoint et lui sont accueillis par la directrice des musées de l’île, une maîtresse femme. C’est dans le cimetière des cholériques, dans une fosse creusée mais qui n’a jamais servi, que repose le corps. Laetitia Darot a été égorgée elle aussi. Les deux mortes avaient sympathisé et étaient souvent ensemble.
Peu à peu, les échos révèlent de la contrebande d’alcool, de cigarettes, de la pêche d’espèces interdites dans le parc, de la mise en péril de fonds marins et la quête d’une mystérieuse croix d’or.
Mais Dupin n’est pas au bout de ses peines quand un nouveau cadavre est retrouvé…
Dupin est un nom déjà célèbre dans la littérature policière puisque le personnage, alors prénommé Auguste, est le héros d’une trilogie de novellas d’Edgar Poe.
Il est autrement célèbre comme commissaire, avec le prénom de Georges. Il a été créé par Jean-Luc Bannarec, pseudonyme qui masque Jörg Bong, éditeur allemand de son état, également traducteur, critique littéraire et… romancier. Dupin est un policier muté de Paris à Concarneau qui, à la tête de son équipe, mène des enquêtes criminelles dans les différents milieux bretons. Après, par exemple, le mythique hôtel Central et la traque d’une toile inédite de Gauguin dans Un été à Pont-Aven, le milieu des Ostréiculteurs avec L’inconnu de Port-Belon, l’auteur invite ses lecteurs dans le parc de la mer d’Iroise.
Son premier roman, paru en Allemagne en 2012 sous le titre Bretonische Verhältnisse — Ein fall für Kommissar Dupin, rencontre immédiatement le succès. Il est vendu à plus d’un million d’exemplaires. L’engouement pour ce roman est tel qu’une série télévisée est tournée, in situ, en 2014. Des tours-opérateurs allemands organisent des circuits sur les traces du commissaire Dupin ! Ce premier livre a été traduit en France sous le titre Un été à Pont-Aven. C’est effectivement en Bretagne que le romancier écrit ses livres pendant les deux à trois mois où il s’immerge dans l’atmosphère et la culture bretonnes.
Qui est le véritable héros de ces romans ? Certes Georges Dupin et son équipe occupent une place centrale et traquent les criminels dans des intrigues subtiles, efficacement structurées, utilisant le cadre local et le milieu où se déroule l’action. La recherche du ou des coupables emprunte les chemins policiers classiques. Les protagonistes sont parfaitement construits avec des profils psychologiques finement étudiés et des profils physiques bien observés.
Mais la Bretagne et ses décors occupent une place importante dans les livres. L’auteur joue les guides touristiques et distille, au fil des pages, intégrées au mieux dans le déroulement de l’action, mille informations sur les lieux, qu’il s’agisse de coutumes, d’histoire, de légendes, de données économiques, de cuisine. Dupin est un fin gourmet et avec Claire, sa compagne par ailleurs chef du service de cardiologique dans une clinique de Quimper, il hante les bonnes tables.
Cette cinquième enquête de ce commissaire est attractive pour son intrigue, enrichissante culturellement et offre une conclusion en demi-teinte bien proche de la réalité.
serge perraud
Jean-Luc Bannalec, Péril en mer d’Iroise (Bretonische Flut – Kommissar Dupins fünfter Fall), traduit de l’allemand par Nadine Fontaine, Presses de la Cité, coll. “Terres de France”, mars 2018, 528 p. – 21, 00 €.