Richard Meier, De Job aux Fireboox (exposition)

Exer­cices de condensation

Héri­tier de Jean Vodaine quant à l’esprit, Richard Meier pousse plus loin la tra­di­tion ou l’héritage de ce der­nier dans son tra­vail de plas­ti­cien et édi­teur (Voix édi­tions). A Per­pi­gnan et dans le beau lieu de l’Hôtel Pams, le créa­teur pré­sente 285 de ses « Fire­boox ». Il « monte » ainsi une biblio­thèque mais selon une échelle bien dif­fé­rente de ce que ce terme implique. Pour preuve, devant ces mini-formats, Meier pro­pose des agran­dis­se­ments de telles boîtes. Ils laissent appa­raître le livre déplié en lepo­rello. Ces stèles per­mettent donc de voir – de manière plus « ouverte » — la richesse de tels conte­nants.
Sophie Lucie et Richard montrent ainsi le peu de dif­fé­rence entre un livre à feuille­ter et un « lepo­rello » à déplier. Les deux « objets » sont le fruit d’une vieille et longue his­toire du livre née à l’origine avec le « volu­men » ou rou­leau. La « Fire­boox » devient un condensé du livre. Il n’a plus rien de plombé et porte vers une autre idée de l’édition. Une bande de 36 mm de haut par 960 mm de long, pliée en vingt séquences révèle chaque fois un ou des mystères.

Sophie Lucie Meier a expli­qué le qui, quand, com­ment, bref le prin­cipe d’une telle col­lec­tion : « Une boîte d’allumettes est le lieu récep­tacle même du livre où se joue une pièce pliée en accor­déon (Lepo­rello) qui déroule/déploie le tra­vail de chaque invité ». Pour 5 euros, le lec­teur a dans les mains de petits joyaux de Vincent Biou­lès, Dod, Sophie elle-même, Ben et bien d’autres.
Et Richard de pré­ci­ser la nais­sance d’un tel pro­jet  : « lors d’un dîner animé en com­pa­gnie de nom­breux acteurs du monde de l’art me deman­dant ce que j’allais faire je décri­vais ce que j’allais réa­li­ser : aller vers le petit, ne pas par­ler d’un gros pro­jet (étant en même temps en train de réa­li­ser un impor­tant volume sur John Cage ».

Les fire­boox per­mettent ainsi une « adresse » directe au regar­deur par l’intermède d’une poé­sie aussi cir­cons­tan­ciée que de cir­cons­tance. Le pre­mier fut com­mandé à Roger Cosme Estève pour les tau­ro­ma­chies de Céret : « Toro de fuego ». Et Meier d’ajouter que l’artiste y pei­gnait des fonds noirs et grat­tait un “toro” de feu : « ce furent ce que l’on appelle des exem­plaires de tête – mais à très bas prix ».
De tels livres — comme très sou­vent chez l’éditeur — deviennent un conti­nuum dont les tranches révèlent une par­tie de l’intrigue. Comme l’écrit Meier, « chaque boîte est une chry­sa­lide ». Elle res­semble elle-même à un « roman » d’indices, entre dérou­le­ment et accor­déon. Preuve que le Bar­telby de Mel­ville n’est pas mort. Il se réin­carne en Meier : nous entrons dans un mys­tère presque inex­pli­cable. Le créa­teur à la fois en res­serre et des­serre les boulons.

jean-paul gavard-perret

Richard Meier, De Job aux Fire­boox, expo­si­tion, Hôtel Pams, Per­pi­gnan, jusqu’au 24 juin 2018.

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