Jacques Cauda, Vita Nova

Tours et détours de France

Nous le savons depuis Alfred Jarry le cyclisme mène à tout. A condi­tion d’en sor­tir. Comme Cauda le grim­peur. Il est moins du type Charly Gaul ou Fre­de­rico Baha­montes que d’un genre Priape maître (ou ne pas maître quoique fort rare­ment) du sar­casme et des femmes. Celles qui aiment le nerf raide et tou­jours puis­sant (“saepe rigens sem­per potente”) chez leurs amants.
Le déro­beur de robes livre dans sa Vita Nova son enfer et para­dis « den­tesque » (de péda­lier) à coups de mor­sures dans ce qui tient de frag­ments aussi immo­raux qu’autobiographiques. Cauda y devient de plus en plus lyrique mais d’un genre par­ti­cu­lier : celui qui per­met au grim­peur de mon­ter au besoin les côtes tout seul : « Je réveillonne en com­pa­gnie des Mémoires d’outre-tombe et per­sonne d’autre. Cha­teau­briand m’enivre (…) Je me suis engagé mais à quoi ? Je ne sais plus. Au silence. Sans doute. » Mais celui que les mots rendent assour­dis­sant au milieu des zips qui se des­cendent, des bre­telles de soutien-gorge qui claquent afin de lais­ser voir des seins « démor­ti­fiés» sous des mains buissonnières.

Cauda, arqué sur le gui­don de ses Guido Line, pos­sède une seul règle de conduite : qu’importe le fla­con pourvu qu’on ait l’ivresse. Et même sur le gibet de Mont­fau­con il trou­ve­rait son reste. Enfant hier, et homme presque res­pec­table aujourd’hui, il pra­ti­qua l’onction extrême dès l’âge de cinq ans avec une fillette pas plus vieille que lui et les che­veux cou­pés à la Louise Brooks. C’est dire si l’auteur connaît bien les lits et ratures tout en variant les chambres et les cou­reuses. Le tout et entre autres dans un cahier de 1965 au nom de « Gimondi », vain­queur cette année là du Tour de France et dans lequel l’auteur col­lait les étapes préa­la­ble­ment décou­pées dans « Le Cour­rier Picard ».
Cauda glisse dans ces pages comme dans un lit où se pré­ci­pitent une à une les échap­pées belles de ses tours de France, Juliette, Jac­que­line, Eli­sa­beth, Bri­gitte (Pous­sin) et autres Madame Avron. Elles et lui atteignent ce qu’il défi­nit via une phrase de Jean-Luc Nancy (jamais placé dans un tel sprint): « une inquié­tante pous­sée de l’étrange et le cona­tus d’une infi­nité excrois­sante »…Le maître des bosses et des cols de l’utérus parle ainsi le sexe comme « Michel Fou­cauld parle de Mar­ce­lin Pley­net » même si son péda­lage n’est pas sur de mêmes cycles et braquet(te)s.

Ainsi celui qui n’aura vu le Tour qu’une fois dans sa vie en garde un paquet dans son sac. Et fina­le­ment il ne connaî­tra que rare­ment de conflits entre ce qu’il désire et ce qu’il veut. Certes, les femmes qui le fas­cinent sont plus des Jean­nie Longo que des Médée, mais des filles de jadis aux mémés d’aujourd’hui — entre ire et dou­leur, amour et fureur -, le four­reur sachant four­rer fait de la mala­die de l’amour duras­sienne une pas­sion.
Existent dans cette ronde ou bac­cha­nale bien des retours des flammes et de femmes qui refusent tout rétro­pé­da­lage. Cha­cune accorde un bou­quet au vain cœur. Bref, Cauda, tout à son bra­quet, offre un Tour de l’Avenir qui ignore et chute et aban­don. A défaut de maillot jaune il y à là une vic­toire par équipes.

jean-paul gavard-perret

Jacques Cauda, Vita Nova, Edi­tions Uni­cité, Saint Ché­ron, 2018, 106 p. — 14,00 €.

1 Comment

Filed under Chapeau bas, Erotisme, Poésie, Romans

One Response to Jacques Cauda, Vita Nova

  1. Jacques Cauda

    Merci Jean-Paul !

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