Philippe Sergeant, Spinoza en ses scolies — Et l’expérience de l’éternité

Philo­so­phie du désir

Pour un non spé­cia­liste des sys­tèmes phi­lo­so­phiques, les « Sco­lies » des pro­po­si­tions de Spi­noza per­mettent d’aborder sa pen­sée avec moins de com­plexes. Elles relient et seg­mentent les par­ties de L’Ethique avec plus d’émotions diverses, moins de phi­lo­so­phie « pure » : ce qui per­met au lec­teur une cer­taine décon­trac­tion (bien rela­tive néan­moins).
En dehors de toute pré­ten­tion à se croire enclin à com­prendre l’œuvre du phi­lo­sophe dans  toute sa richesse, le lec­teur lambda peut embras­ser dans leurs décou­pages quelques arpents là où par­fois jaillissent ce que Phi­lippe Ser­geant nomme des « ful­gu­rances rim­bal­diennes ». Pour les deux créa­teurs — le poète et le pen­seur -  aux che­mins bien dif­fé­rents, l’expérience humaine sup­pose que « l’éternité puisse tou­jours se perdre et se retrou­ver » et ce, dans une phi­lo­so­phie du désir mais qui ne se réduit pas à ce qu’on entend géné­ra­le­ment par ce concept.

Il ne s’agit pas plus du simple désir de durer mais de ce qui consti­tue l’essence des actions de l’être humain. Ce désir est pour Spi­noza infini et éter­nel même si – se situant dans la durée étroi­te­ment finie de l’existence – il subit des errances. Dès lors, Spi­noza en pro­pose une juris­pru­dence qui devient la ram­barde de notre liberté.
Une telle phi­lo­so­phie,  comme le rap­pelle Ser­geant, est donc une phi­lo­so­phie de l’affirmation qui s’inscrit en faux contre les pen­sées pes­si­mistes et dépres­sives de Scho­pen­hauer et Nietzsche. Preuve que l’œuvre se veut ce que le com­men­ta­teur nomme un « faire » ou, et pour reprendre le titre majeur de Spi­noza, une éthique bien plus qu’un théo­lo­gie même si Dieu rôde par­tout et sub­ver­tit la pen­sée qui par essence ne dure pas.

L’ œuvre se com­plète – entre autres – par une révi­sion de l’image. Laquelle ne se réduit par à un simple reflet for­cé­ment limité : elle per­met pour Spi­noza une connais­sance si elle n’est pas subie pas­si­ve­ment au nom d’une pré­gance exté­rieure mais reprise par les res­sources de l’expérience et de la rai­son.
Existe donc là une autre réflexi­vité de l’image et, comme l’écrit Spi­noza, elle peut répondre « aux vrais besoins de la nature humaine ». Si bien qu’entre concept et image l’écart et moins impor­tant que cer­tains phi­lo­sophes l’ont cru ou le croient : Berg­son par exemple. Spi­noza prouve ainsi que la simple image n’est jamais simple.

jean-paul gavard-perret

Phi­lippe Ser­geant, Spi­noza en ses sco­lies – Et l’expérience de l’éternité, Les Edi­tions du Lit­té­raire, Paris, 2018, 500 p. — 35,00 €.

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